Macron-Von der Leyen, l’affront
La finalisation par la présidente de la Commission européenne de l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur, est un camouflet pour le président français.
Comme un symbole des relations qui se sont établies entre Paris et Bruxelles, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen s’envolait pour l’Amérique du Sud alors que le chef de l’Etat Emmanuel Macron revenait d’un voyage officiel en Arabie saoudite. La première partait finaliser l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, auquel le second s’oppose sous la pression des agriculteurs, jusqu’à présent sans succès. Et vendredi dernier, après avoir finalisé cet accord en Uruguay à Montevideo, la présidente de la Commission annonçait: « C’est une victoire pour l’Europe »… comme si la position de la France pouvait être évacuée d’un revers de main.
Le président français n’a-t-il pas affirmé que l’accord était « inacceptable en l‘état » ? En l’occurrence, il est soutenu par l’ensemble des partis politiques qui se sont symboliquement exprimés sur le sujet le 26 novembre dernier. Mais serait-il devenu un partenaire à ce point marginalisé que son avis pourrait être négligé? En tout cas, comme pour souligner le caractère exécrable des relations entre Paris et Bruxelles, la présidente de la Commission a décidé d’annuler sa participation à la cérémonie de Notre Dame. Bonjour l’ambiance!
L’UE mise à l’épreuve
Les parties prenantes de cet accord, sur les deux continents, ont beau jeu de rappeler que les négociations ont été entamées il y a vingt-cinq ans, et qu’il serait temps de conclure. Le président brésilien est sur cette ligne, menaçant de se tourner vers la Chine désireuse de se ménager de nouveaux débouchés en Amérique du sud au moment où les portes des États-Unis risquent de se refermer. Il est vrai que, avant d’aborder cette ultime ligne droite, la partie français s’est assez peu mobilisée pour infléchir le cours des négociations. Ce qui déclenche la colère des agriculteurs, toujours mobilisés pour faire barrage à des importations (notamment de viande bovine) qui ne répondent pas aux mêmes normes de qualité qu’ils sont eux-mêmes contraints de respecter.
Toutefois, l’accord finalisé avec les cinq pays d’Amérique latine (Argentine, Bolivie, Brésil, Paraguay et Uruguay) ne pourra entrer en vigueur que lorsqu’il aura été adopté par le Conseil de l’Union européenne composé des pays membres, et par le Parlement européen. Mais quelle que soit son issue, ce bras-de-fer entre la Commission européenne et la France laissera des cicatrices dans la gouvernance de l’Europe. Une préjudiciable perte de confiance au moment où, face aux Etats-Unis qui pratique l’isolationnisme, à la Chine qui cherche étendre son emprise et à la Russie avec ses rêves de conquête, l’UE doit au contraire resserrer les rangs.
Perte d’influence
A ce jour, la France qui veut défendre son agriculture est isolée sur le dossier. L’Allemagne, qui craint des restrictions à l’exportation de ses automobiles aux Etats-Unis et en Chine, lorgne avec appétit l’ouverture des marchés du Mercosur, fort de ses 260 millions de consommateurs, pour compenser la perte de débouchés. Le couple franco-allemand, déjà en instance de divorce, sort encore un peu plus désuni de cette épreuve. Mais Berlin a su rallier à sa cause une majorité de partenaires européens, Espagne en tête. D’autres pays comme les Pays-Bas, Italie, l’Autriche ou la Pologne, restent encore indécis, mais pas vraiment disposés à rejoindre le camp français.
Il ne reste donc plus à Paris qu’à faire le siège des capitales pour tenter de réunir une minorité de blocage – à savoir une union d’États qui, ensemble, représenteraient au moins 35% de la population de l’UE. A ce jour, le compte n’y est pas, ce qui souligne encore la perte d’influence de Paris parmi les 27.