Macron vert pâle

par Laurent Joffrin |  publié le 26/09/2023

Le plan présenté lundi par le président va dans le bon sens. Mais il se heurte à la persistance de ses convictions pro-marché

Laurent Joffrin

L’opposition s’oppose : c’est le jeu. Encore faut-il le faire avec un minimum de bonne foi. Sinon le jeu (démocratique) est pipé. Ainsi des annonces délivrées par Emmanuel Macron sur la lutte pour le climat.

Le Rassemblement national tire à boulets rouges sur le président avec un argument massue : la France compte pour 1% environ dans le total des émissions de gaz à effet de serre, c’est donc aux autres de faire des efforts. Avec ce raisonnement, aucun pays ou presque ne fera d’effort, puisque la majorité d’entre eux, pour une raison arithmétique élémentaire, compte pour peu dans le bilan global. Le RN propose donc, en fait, de ne rien faire, ou pas grand-chose, d’autant qu’il s’oppose à toute mesure qui pourrait entraîner un changement dans le mode de vie des Français. Ce discours lénifiant et immobiliste, purement démagogique, est la nouvelle antienne des climatosceptiques, qui n’osent plus contredire frontalement la science, mais se contentent d’en ignorer les conclusions et de crier à « l’écologie punitive » dès qu’une mesure bouscule un tant soit peu les habitudes.

Pour une partie de la gauche, la réaction est symétriquement pavlovienne. Venant du gouvernement, toute politique écologique est par nature insuffisante, trompeuse, homéopathique ou strictement verbale. Paroles, paroles… Alors que les mesures annoncées, tout spécialiste honnête le dira, vont dans le bon sens. Un début de planification rationnelle et régionalisée de la mutation écologique, le passage à l’électrique pour les « mobilités », un leasing pour les voitures électriques, un plan d’isolation des bâtiments, un million de pompes à chaleur, une réforme du « mix énergétique », un projet pour l’éolien en mer, la décarbonation de 50 sites industriels, 700 millions pour des « RER métropolitains, avec un objectif – ambitieux – de baisse de 5% des émissions de GES par an pour la France et un investissement global de 40 milliards d’euros pour l’année qui vient. Tout cela est bon à prendre.

La vraie critique est ailleurs. En premier lieu, une partie des annonces avaient déjà été faites, sans résultat concret, ce qui affaiblit la crédibilité du discours. Ensuite une grande partie des mesures seront égrainées dans les mois qui viennent, ce qui rend la lisibilité de l’ensemble difficile. La véritable planification consiste aussi à donner un échéancier de long terme et à dessiner ce que sera la société du futur. Or Macron le pragmatique s’abstient d’en décrire ne serait-ce que les grandes lignes. Ce qui alimente un soupçon : conscient des défis, le président veut éviter à tout prix d’inquiéter l’électeur par l’ampleur des transformations nécessaires, ce qui fait douter de sa conviction et de sa détermination en ce domaine. Enfin, les 40 milliards de financements annoncés valent pour un an. Quid des années suivantes ? Les économistes les plus sérieux chiffrent à plus de 50 milliards par an (et jusqu’à 100 milliards) les investissements nécessaires. Le flou règne sur cette question. Lost in translation…

Nouveau soupçon, donc : le gouvernement ne veut pas s’avancer sur ce point parce qu’il a proclamé le statu quo en matière fiscale. Or sans ressources nouvelles, qui se trouvent notamment chez les Français les plus prospères, l’échec est programmé. La volonté de changement d’Emmanuel Macron existe. Elle se heurte à sa foi dans les préceptes du libéralisme. « En même temps » écologiste et libéral : ce n’est pas un juste milieu. C’est un oxymore.

Laurent Joffrin