Maison des journalistes: sauver les Palestiniens ?

publié le 15/03/2024

22 journalistes palestiniens auraient été tués à Gaza. Certains, contraints au départ, demanderont asile à la France et à La Maison des journalistes. Sauf qu’elle pourrait leur fermer ses portes faute de trésorerie. À contrecœur

La journaliste palestinienne Hind Khoudary, réfugiée à Deir al-Balah, Gaza, en raison des attaques israéliennes- Photo Ali Jadallah / ANADOLU / Anadolu via AFP

Il y eut d’abord Vitali. Biélorusse évadé d’un camp de travail post-soviétique, il sollicita l’asile de la France, pays dont il aimait la culture. Au terme d’un séjour dans un Centre de rétention, il se retrouva largué au beau milieu d’un champ de betteraves. Les pieds dans la terre grasse, il s’arrêta, regarda droit devant lui, puis ouvrit grand les bras en hurlant : « À nous deux, Georges Dandin !!! ». Il fut en 2002 le premier résident de la MDJ, la Maison des journalistes, structure unique au monde créée par Danièle OHAYON et Philippe SPINAU..

Il y eut ensuite Makbulè, détenue dans une prison turque pendant sept ans, violée quotidiennement par ses gardiens qui lui brisèrent les dents à coups de marteau la veille de sa libération ; elle n’avait alors que 26 ans. Il y eut aussi Thiri la Birmane, et Elena l’Éthiopienne, contraintes de fuir leurs pays respectifs pour échapper au pire en laissant derrière elles, l’une comme l’autre, leur nouveau-né qu’elles parvinrent finalement à faire venir à Paris. Thiri attendit dix ans pour revoir son petit.

Toutes et tous avaient le goût de la vérité révélée. Elles et ils avaient tenté d’en faire leur métier contre vents et marées. En moins d’un quart de siècle, la MDJ a hébergé au 35 rue Cauchy les professionnels des médias de 85 nationalités, mettant notamment à leur disposition une chambre, des cours de français, un soutien psychologique, un journal en ligne.

Certaines et certains d’entre eux ont eu la chance, l’opportunité ou l’extraordinaire volonté d’exercer en France. Ancien de la rue Cauchy, le grand reporter Mortaza BEHBOUDI s’est vu décerner il y a deux ans le prestigieux Prix Bayeux des Correspondants de Guerre. Un passeport français en poche, il est retourné en Afghanistan, son pays d’origine. C’est là que les talibans l’ont arrêté en janvier 2023 pour le relâcher dix mois plus tard après une campagne intense de l’ONG Reporters sans frontières.

Les autres résidents de la MDJ, vous les croisez parfois sans le savoir. Peut-être est-ce cette caissière qui n’a jamais pu maîtriser parfaitement la langue française ; à moins que ce ne soit ce vigile à l’entrée du supermarché ?… Aujourd’hui, la seule vérité qu’ils aient à révéler, c’est la leur. Ils n’exercent plus leur métier, mais ils sont vivants. À tout jamais blessés, mais vivants.

Dans quelque temps, leurs consœurs et confrères palestiniens qui ont vu périr tant des leurs depuis cinq mois pourront-ils enfin trouver la paix dans l’immeuble de la MDJ ? Rien n’est moins sûr. Les temps sont durs pour tout le monde et l’argent n’afflue pas. Malgré le soutien d’une petite dizaine de médias français, il manque financièrement à l’association de quoi accueillir ses prochains résidents.

par Alain Le Gouguec, ancien président de La Maison des journalistes et de Reporters sans frontières

www.maisondesjournalistes.org

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