Mali, Burkina Faso, Niger : plus de nouveaux visas pour les artistes
Faut-il faire payer aux artistes les coups d’état des pays rebelles ? La décision du Quai d’Orsay provoque une levée de boucliers
Droit dans ses bottes, le Quai d’Orsay ! Par l’intermédiaire des DRAC (Directions Régionales des Affaires Culturelles), Paris vient de faire savoir aux acteurs culturels du Mali, du Burkina Faso et du Niger que l’invitation des artistes était désormais interdite.
Face au tollé des milieux culturels et d’une très grande partie de leurs publics, le ministère de la Culture a cru bon de préciser que cela n’impliquait en rien la déprogrammation dans certains festivals des artistes ayant déjà obtenu leur visa.
Bref, que le problème ne serait lié qu’à la seule question des visas, désormais suspendus pour les trois pays visés.
En somme, une simple conséquence administrative de la querelle politique et diplomatique faite aux trois pays. Comme si les artistes concernés étaient des chantres des coups d’État !
Que l’on interdise les visas demandés par des officiers mêlés au coup d’État ou à des personnalités politiques compromises, soit. Mais interdire tous les artistes ? Depuis maintenant une trentaine d’années, la mondialisation a rendu possible l’émergence d’un art africain rendu visible dans le monde, comme art contemporain vivant, voire bouillonnant, dans de multiples domaines sur la scène mondiale. De quoi se réjouir.
Et de s’affliger que la mesure d’interdiction s’étende au-delà du monde artistique. Voilà déjà longtemps que les universitaires et scientifiques africains sont eux aussi visés. Pas un seul colloque invitant des collègues africains qui ne se soit heurté un jour à cette satanée question des visas.
Là, c’est encore plus clair : nos collègues maliens, burkinabés ou nigériens sont interdits de sortie vers la France. Quel meilleur moyen de les détourner d’échanges si fréquents et naturels, facilités par la pratique d’une même langue ? Et de les inciter à considérer que, désormais, dans une France qui leur est interdite, ils ne sont plus les bienvenus pour s’y produire, faire connaitre leurs travaux, et permettre aux Français d’apprendre de leurs talents.
Fut un temps où le monde francophone rêvait, au moins dans ses milieux culturels, d’un « visa francophone » qui témoignerait, mieux que tout autre signal, de l’appartenance à un même système de valeurs.
En prenant une telle décision, en soumettant ainsi la culture et la science aux impératifs de la politique, la France fait sans doute plus que tuer un tel rêve. C’est la Francophonie elle-même qui perd tout son sens.