Mali : silence, on massacre…

publié le 06/02/2024

Massacres d’éleveurs, bergers abattus ou égorgés, cadavres piégés, puits empoisonnés, drones russes, des victimes par milliers… dans le Nord du pays, la junte au pouvoir et la milice Wagner procèdent à nettoyage ethnique des Touaregs et des Arabes

Mali, Tombouctou, Touareg- Photo Hermes Images / AGF

La tragédie que subissent les populations touarègues et arabes, ostracisées par les pouvoirs maliens successifs depuis plus de 60 ans et désormais soumises à une volonté d’élimination pure et simple de la part du pouvoir militaire de Bamako assisté et armé par les mercenaires de la milice Wagner.

Sous couvert de lutte antiterroriste, la junte d’Assimi Goita, déterminée à asseoir son pouvoir sur l’ensemble du territoire a entrepris de rétablir par la force la suprématie de l’Etat sur les Régions de Tombouctou et de Kidal. L’armée malienne, assistée de mercenaires russes de Wagner, assimilant toutes personnes de teint clair ou portant turban à des terroristes, multiplie les exactions et massacres de civils.

Dès mars 2022, l’exécution de 350 personnes ( dont des Peuls) rassemblées dans le village de Mora, a poussé la population terrorisée à se réfugier en Mauritanie-  le HCR a recensé plus de 100 .000 personnes dans le camp de M’Béra.

Ce chiffre aurait doublé ces derniers mois suite aux assassinats de 51 civils entre Léré et Tombouctou et l’offensive contre les autorités régionales. Le 11 aout 2023, au mépris des Accords d’Alger de 2015, garantis par les UN et la communauté internationale attribuant une certaine autonomie aux régions de Tombouctou et Kidal, l’armée malienne et ses adjoints Wagner ont ouvert le feu sur les positions de la Minusma et de la CMA à Tombouctou, semant la terreur dans toute la région, réactivant les anciens fronts armés dans un conflit ouvert et provoqué la fuite de la population vers la Mauritanie.

Leur progression vers Kidal est jalonnée de massacres d’éleveurs, bergers abattus ou égorgés, certains cadavres piégés, puits pastoraux empoisonnés, pillages des boutiques dans les rares villages traversés, occupation de puits importants interdisant l’accès aux éleveurs et à leurs animaux pendant des semaines.   Le 14 novembre 2023, après avoir bombardé Kidal à l’aveugle, provoquant la mort d’une cinquantaine de civils, dont 15 enfants ; l’armée malienne et ses supplétifs de Wagner ont investi la ville désertée par ses habitants.     

 Les populations, à majorité touarègue, de Kidal et toute sa région, réfugiées le long de la frontière algérienne entre Timéiaouine et Tinzaouaten, dans des camps de fortune, y sont régulièrement frappées par les drones russes de l’armée malienne. Le gouvernement algérien refusant de les considérer comme « réfugiés », ne donne accès à aucune organisation humanitaire à la frontière, pas plus que sur le territoire algérien. Des témoins fiables confirment la situation dramatique de centaines de familles sans ressources et sans abris, survivant tant bien que mal, privés du soutien de la communauté touaregue locale à Tamanrasset.

Au Nord du Mali, pas un jour ne passe sans nouvelles exécutions ou pillages, dont le pouvoir militaire malien se prévaut comme des victoires sur les terroristes.

Jean-Jacques Bordier, coordonnateur de GCAM, une ONG qui assure un soutien humanitaire dans le Nord du Mali