Mariage pour tous : les grosses bêtises des conservateurs
Avec une décennie de recul, on mesure l’inanité des attaques hystériques prononcées à l’époque contre la réforme mise en œuvre par la gauche. Ce qui n’empêche pas les intellectuels réactionnaires de la reproduire à l’infini
Que n’a-t-on entendu lors du débat sur le mariage pour tous ? Quand François Hollande, conformément à sa promesse de campagne, décide de présenter son projet, défendu par Christiane Taubira, on assiste rapidement à un rare étalage d’ignorance et de dogmatisme.
La palme de la bêtise revient à Serge Dassault, aujourd’hui disparu, à l’époque l’un des principaux patrons français, qui plus est propriétaire du Figaro. Le mariage homosexuel, dit-il, pose un grave problème démographique, puisque les couples homosexuels ne peuvent pas enfanter. « Dans dix ans nous aurons disparu », annonce-t-il. Une décennie plus tard, miracle, nous sommes toujours là.
Les autres réquisitoires de la « manif pour tous », formulés de manière plus sophistiquée ne sont guère plus pertinents. Ils tournent en fait autour de deux arguments. Les enfants, déclare-t-on avec des trémolos dans la voix, ont besoin d’un père et d’une mère, faute de quoi ils encourent de graves risques psychologiques.
Ainsi dans les manifestations – massives – de la « manif pour tous », on brandit des pancartes représentant deux petites silhouettes, l’une bleue, l’autre rose, destinées à émouvoir l’opinion. Dix ans plus tard, personne n’a pu démontrer que les enfants de couples homosexuels éprouvent plus de difficultés dans leur éducation que la progéniture des couples hétéros. Comme on pouvait s’en douter.
La réforme, ajoutait-on gravement, pose un problème « anthropologique », expression essentiellement fumeuse qui fait planer le spectre d’une dissolution des liens sociaux traditionnels et nourrit la thèse d’une décadence générale des sociétés de liberté. Dix ans plus tard, personne ne voit très bien en quoi le mariage pour tous a contribué à cette supposée décadence, si tant est qu’elle existât.
C’est Gérald Darmanin, premier flic de France, qui a enterré définitivement ces raisonnements dignes du musée des inepties solennelles. « Dix ans après, explique-t-il dans La Voix du Nord, j’ai pu constater que le mariage, comme l’adoption par les couples homosexuels, ne changent rien et que les craintes qui avaient été exposées par la droite, et notamment dans ma famille politique, étaient infondées (…) L’important, c’est l’épanouissement de l’enfant et l’amour porté par les parents, quelle que soit la structure familiale : homosexuelle, hétérosexuelle ou monoparentale ». Toutes remarques de bon sens, formulées sans cesse, à l’époque, par les partisans du mariage pour tous.
La leçon a-t-elle porté ? Pas vraiment. Imposé par la logique de l’égalité des droits, le « mariage pour tous » a certes été ratifié dans heurts par la société française.
Mais les intellectuels et les folliculaires conservateurs continuent à répandre leur indigence. Jour après jour, dans les colonnes du Figaro ou de Valeurs Actuelles, on retrouve la même rhétorique creuse et obsessionnelle, appliquée par les Michel Houellebecq, les Patrick Buisson ou les Éric Zemmour à toute réforme sociétale : la libéralisation des mœurs menace la civilisation occidentale, la décadence mine nos sociétés et les conduit à leur perte.
Rien de nouveau sous le soleil : à chaque progrès du droit, on entend la même chanson depuis la Révolution française. Celle des ennemis de la liberté.