Marine Le Gud
La patronne du RN s’est ostensiblement désolidarisée du cortège d’extrême-droite, masqué et en uniforme, organisé le 6 mai dernier. Mais une nouvelle fois, le passé remonte à la surface, têtu …
La réaction était habile, rapide, digne d’une cheffe politique expérimentée. Marine Le Pen fut parmi les premières à s’indigner de la manifestation d’extrême-droite du 6 mai, qui a vu quelque 600 militants vêtus de noir et masqués défiler derrière des drapeaux à croix celtique. Déjà, en décembre dernier, elle avait demandé la dissolution de ces groupuscules fascisants à l’idéologie raciste et souvent antisémite.
Après avoir expliqué, par la voix du préfet Nunez et de la Première ministre Élisabeth Borne, que le défilé était légal et qu’il n’y avait pas de base juridique pour l’interdire, quoi qu’on puisse penser de son idéologie, le gouvernement s’est retrouvé, en quelque sorte, doublé sur sa gauche par le Rassemblement national, qui trouvait là le moyen de renforcer son image de parti responsable.
Gérald Darmanin a aussitôt réagi en annonçant qu’il demanderait à son tour leur interdiction, avant de s’en remettre aux tribunaux pour ratifier cette décision.
Mais l’habileté ne suffit pas toujours. Dans une enquête du Monde, on apprend que plusieurs anciens proches du RN – et de sa cheffe – participaient à la manifestation, dont un loustic nommé Lousteau. Décrit comme un simple « comptable », cet ancien militant du GUD, l’organisation étudiante d’extrême-droite connue pour ses actions musclées, a organisé pendant des années, avec quelques compères, une bonne partie des finances du RN. Histoire ancienne ? Oui et non.
C’est un fait que dès l’origine, une divergence stratégique a opposé le parti de la famille Le Pen, légaliste et parlementariste, à l’autre fraction de l’extrême-droite, composée d’activistes aux méthodes nettement plus radicales, regroupée au GUD, ou dans divers avatars inspirés des mêmes idées. Mais ces rapports conflictuels n’ont pas empêché, à diverses reprises, le FN, puis le RN, de recourir aux services de ces militants aguerris, enrôlés dans des combats communs.
Or ce passé n’est pas révolu. Encore aujourd’hui, Lousteau le gudard codirige une société de communication qui est l’un des principaux prestataires du parti frontiste. Le Monde précise que celle-ci a touché pendant la dernière campagne un solide magot de 770 000 euros…
Ainsi Marine Le Pen demande la dissolution d’un groupe dont l’un des animateurs joue toujours un rôle majeur pour le compte du RN. Une légère contradiction, qui jette une lumière intempestive, mais révélatrice, sur la métamorphose du lepénisme.