Marine Le Pen : la louve déguisée en grand-mère
Pour bien saisir le projet du RN derrière sa tactique de banalisation, il faut désormais lire entre les lignes
Comme chaque 1er mai, Marine Le Pen réunit ses troupes. Pour se distinguer du mouvement ouvrier, son père célébrait ce jour-là la fête de Jeanne d’Arc. La fille préfère la « fête de la Nation », qu’elle juge sans doute plus passe-partout.
Détail anecdotique ? Certes, mais significatif : il symbolise bien cette tactique de la banalisation qui sert désormais de viatique au RN. En lever de rideau de sa journée militante, Marine Le Pen donne un entretien au Parisien.
On y apprend que Macron « ne sait pas où il va », que ses ministres « n’existent plus », et qu’avec Élisabeth Borne, on est « face à du vide ». On y trouve la critique du laxisme budgétaire, de la pression fiscale et une défense des classes moyennes. On a l’impression de lire le réquisitoire d’une opposante classique, réfléchie, responsable.
Erreur. Pour bien saisir le projet lepéniste, il faut désormais lire attentivement les textes, pour le débusquer au détour des phrases. Marine Le Pen lie d’abord, sans avoir l’air d’y toucher, la réforme des retraites à un vaste projet de « déconstruction de la nation » soi-disant nourri par Macron et ses élites hors-sol. Outrance un peu ridicule : on retrouve là l’obsession de la « décadence » qui justifie le projet nationaliste.
Interrogée sur un projet gouvernemental destiné à informer les Français qui ont droit à des prestations sociales, mais ne les demandent pas. « Il y a des myriades d’associations qui aident les étrangers dans les différents guichets sociaux (…), mais ça n’existe pas pour nos compatriotes ».
Faux, évidemment : Emmaüs ou le Secours Populaire aident tout le monde, pas seulement les étrangers. Pas grave : le thème de « l’immigration mère de tous les maux » revient par la fenêtre.
Invitée enfin à qualifier le groupe Wagner, milice russe aux agissements criminels, Marine Le Pen répond que « le groupe Wagner se comporte comme un ennemi des intérêts de la France ». Étrange critique : si ces criminels de guerre employaient leurs méthodes barbares en faveur « des intérêts de la France », il faudrait les féliciter ? Ce qui compte, donc, pour Marine Le Pen, ce n’est pas le respect du droit, c’est l’égoïsme national.
Ce qui nous ramène à la réalité du RN : le discours est lisse, mais comme une combinaison de camouflage. Dès qu’on creuse, on retrouve les vieilles obsessions de la xénophobie, de l’intolérance et du nationalisme. Comme dans le conte de Perrault, pour séduire le petit chaperon bleu-blanc-rouge, Marine Le Pen est une louve déguisée en grand-mère.