Marine Le Pen, l’éminence brune
Après avoir voté pour faire barrage au RN, voici les Français soumis aux diktats de la cheffe de l’extrême-droite, qui se voit déjà en arbitre du gouvernement Barnier.
À Hénin-Beaumont, Marine Le Pen a saisi l’occasion de sa rentrée politique pour mettre la pression sur Michel Barnier. Forte de l’efficacité de son veto sur son ennemi juré, Xavier Bertrand, la voilà qui distribue désormais les bons et les mauvais points à destination du Premier ministre et du président de la République.
Elle se réjouit qu’« Emmanuel Macron ait tenu compte des critères du Rassemblement National dans le choix de son Premier ministre » ; elle se félicite que « Michel Barnier soit respectueux des 11 millions d’électeurs du RN » ; elle souligne qu’ « il semble avoir sur l’immigration le même constat que nous, il a conscience que l’immigration est un problème majeur » ; elle évoque dans la foulée le moratoire en faveur d’une immigration zéro qu’avait proposé Michel Barnier lors de sa candidature à l’élection présidentielle en 2021. Autant de raisons qui la conduisent à affirmer : « nous ne censurerons pas à priori le gouvernement de Michel Barnier à la suite de son discours de politique générale ».
Pour autant, elle ne lui donne pas quitus et serre un peu plus le nœud coulant : le Premier ministre ne devra pas se contenter de respecter les électeurs du Rassemblement national, il devra aussi « respecter ce qu’ils souhaitent ». Et de souligner que « les Français sont extrêmement critiques vis-à-vis de la construction européenne actuelle. Avec 33 % des voix aux dernières élections européennes, ils ont confié au RN le soin d’impulser un changement de cette politique ». Sur l’immigration en particulier, « nous attendons de lui des actes ». En clair, il ne suffit pas de dire, il va maintenant falloir faire. C’est-à-dire faire ce qu’elle demande.
Une menace que le leader du Rassemblement National Jordan Bardella, reprend en écho, ciblant lui aussi Michel Barnier : « S’il poursuit la politique qui a été conduite par Emmanuel Macron, alors ce gouvernement tombera », assène-t-il. Ces propos offensifs semblent donner raison à ceux qui croient qu’entre Emmanuel Macron et le RN, un deal a été passé lors de la nomination de Michel Barnier. Dans l’urgence de trouver une alternative à Xavier Bertrand, des assurances auraient-elles été données ?
Dans le camp présidentiel, on s’inquiète. Au Modem, où la proportion de députés ayant voté contre la loi sur l’immigration a été importante, mais aussi à Renaissance, où certains auraient souhaité pouvoir se retrouver entre eux pour leurs journées parlementaires, en l’absence de Michel Barnier. Si la mauvaise manière a été abandonnée, la ligne fixée par Gabriel Attal tient plus que jamais : « ni volonté de blocage ni soutien inconditionnel ». Seul Édouard Philippe accueillera sans états d’âme le Premier ministre à sa rentrée politique. Proche de lui, tout comme son président de groupe Claude Malhuret, le patron d’Horizons avait, on s’en souvient, reconnu avoir dîné récemment avec Marine Le Pen.
Lors des législatives, les macronistes ont fait campagne contre « les deux extrêmes ». Par la volonté du président, on commence à comprendre que cette symétrie est factice : ils sont contre l’un et tout contre l’autre.