Marine Le Pen, ou la bataille gagnée de la crédibilité
Les faits seraient établis : Marine Le Pen ne disposerait pas des compétences perçues pour diriger la France. La mémoire du débat d’entre-deux tours de 2017 fonderait cette hypothèse, et ce défaut oblitérerait pour longtemps la possibilité d’une victoire présidentielle.
Faux. Selon notre sondage réalisé par l’institut Viavoice, la réalité de l’opinion est tout autre…
Pourtant, cette première étude d’opinion Viavoice pour le quotidien Le Journal fait état d’une tout autre réalité d’opinion : Marine Le Pen apparaît comme l’une des personnalités les plus compétentes de la scène politique française. Un tiers (33 %) des personnes interrogées lui attribuent cette qualité, la plaçant au deuxième rang après Edouard Philippe (44 %), et bien avant Emmanuel Macron en cinquième position (27 %).
Jugée « compétente » de manière équivalente par l’ensemble des générations (33 % des 18-24 ans, 29 % des personnes ayant plus de 60 ans), elle l’est également par un quart (26 %) des cadres et surtout par un tiers (33 %) des employés et la moitié (50 %) des ouvriers ; mais également, bien au-delà de son électorat du premier tour de la présidentielle, par un quart (26 %) des électeurs de Valérie Pécresse, 19 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon et 13 % des électeurs d’Emmanuel Macron…
Cette perception se nourrit de trois « territoires de crédibilités lepénistes » :
- Sectoriel : plus d’un tiers des Français jugent les idées de Marine Le Pen « réalistes » sur neuf grands enjeux de l’action publique, de la « sécurité » (46 %) à l’ « amélioration du pouvoir d’achat » (37 %) et à la « réduction des inégalités sociales » (35 %) ;
- Sociologique : sur la plupart de ces registres, près d’un ouvrier sur deux juge « réalistes » les idées de Marine Le Pen ;
- Politique : loin d’être uniquement considérée comme « crédible » par son propre électorat, Marine Le Pen convainc une partie des autres sensibilités ; 28 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon jugent ses idées « réalistes » pour « réduire les inégalités sociales », et 18 % des électeurs d’Emmanuel Macron pour « réformer les retraites ».
En conséquence, 29 % des Français accueilleraient positivement une victoire de Marine Le Pen à la prochaine présidentielle (9 % « enthousiastes », 20 % « confiants ») ; et 46 % des ouvriers expriment de tels sentiments positifs (15 % « enthousiastes », 31 % « confiants »).
Pour une large part, en termes d’opinion, Marine Le Pen a donc gagné la « bataille de la crédibilité ». Certes cette victoire n’est pas éternelle et les défis sont immenses pour l’ex-présidente du Rassemblement national. Mais forte de ses trois territoires de crédibilités (sectoriel, sociologique et politique), Marine Le Pen peut se prévaloir, aux yeux de beaucoup, d’avoir dissipé l’une de ses fragilités majeures et installé, en lieu et place, un ressort supplémentaire d’attractivité.
Adrien Broche et François Miquet-Marty (Viavoice)