Marion Maréchal -Éric Zemmour : je t’aime, je te tue
Nommée tête de liste Reconquête pour les élections européennes de 2024, Marion Maréchal entre en guerre, froide, contre Éric Zemmour
Sourires et amuse-grandes gueule, le week-end dernier, dans le Var, où un air d’unité et de fraternité flottait sur l’université de rentrée du parti d’extrême-droite Reconquête. Sur l’estrade, Éric Zemmour, son président, prononce un discours aux relents – forcément – apocalyptiques tandis que sa vice-présidente Marion Maréchal, joyeuse, savoure sa désignation comme tête de liste du parti aux élections européennes de juin 2024. Derrière cette union de façade, la guerre vient d’être déclarée entre les deux leaders nationalistes pour décider de leur avenir. Marion Maréchal – Éric Zemmour : je t’aime, je te tue.
L’enjeu : Marion Maréchal a pour ambition de devenir la cheffe de la droite identitaire, quitte à reléguer Éric Zemmour dans la zone obscure. Très jeune élue en 2015 – elle a alors 22 ans ! – députée du FN et tête de liste PACA lors des régionales, elle décide, en 2017, de tout plaquer pour se consacrer à son rôle de mère et ouvrir une école de sciences politiques (ISSEP).
Une aubaine pour sa tante Marine Le Pen, qui en profite pour orienter le RN vers les problématiques sociales, mais un crève-cœur pour tous les tenants de la droite identitaire.
Dix ans après ses débuts fulgurants, Marion Maréchal aspire enfin à devenir une figure nationale. Fantasme ? Elle est souvent dépeinte comme brillante, mais frileuse à l’idée de se lancer dans les grands combats. Elle serait aussi trop idéaliste pour mettre les mains dans le cambouis de la politique quotidienne. Huit ans qu’elle n’a plus été confrontée à une campagne et aux électeurs. Une éternité.
À peine désignée, la voilà partie sur le front. Dès mercredi, elle s’est envolée pour l’île de Lampedusa, en Italie, dénoncer l’immigration et décrire le chaos local comme « le futur de la France ». Une blonde sur un fond de mer bleue… les chaînes télé s’empressent de l’avoir face caméra. Elle est en campagne électorale, histoire de bien marquer sa différence et de soutenir les partisans de la Première ministre italienne Giorgia Meloni, avec laquelle elle souhaite nouer des alliances dans le futur Parlement européen. Un activisme de terrain qui tranche avec les idées de salon du professeur Zemmour.
Lui sait qu’il joue gros dans cette séquence européenne. Il a hésité avant de renoncer à s’engager dans l’élection, mais a compris qu’il avait trop à perdre et ne se voit candidat que lors des présidentielles de 2027, seules dignes de lui.
D’autant que, jusqu’ici, Zemmour n’a pas vraiment brillé dans les urnes. Même Saint-Tropez l’a snobé lors des dernières législatives de 2022. Sur un plan financier, il sait qu’une troisième défaite d’affilée, après la présidentielle et les législatives, lui serait fatale. Il a donc préféré laisser Marion Maréchal prendre ce risque. En cas d’échec, celle-ci perdra tout crédit et lui restera le leader incontesté en vue de 2027. Méchant calcul.
D’autres visages de Reconquête n’attendent que la chute de Marion Maréchal, tels Guillaume Peltier ou Nicolas Bay, ancien du RN. Au-delà de ces rivalités internes, la numéro deux du parti va devoir trouver la bonne stratégie à adopter à l’extérieur, entre le RN, favori, et LR, au pied du mur. Face au terne François-Xavier Bellamy, ce sont les Républicains qui ont le plus à craindre.
Et si Marion Maréchal réussit ? Dans ce cas, la favorite de Jean-Marie le Pen pourrait revoir ses prétentions à la hausse et contraindre Zemmour à une retraite anticipée. L’atmosphère chaleureuse et fraternelle du week-end varois de reconquête pourrait très virer au climat empoisonné.
Au milieu des années 2010, Marine le Pen avait écarté son père sans ménagement pour créer un nouveau FN.
Sa nièce pourrait bien tenter de l’imiter. Pour le bien du parti, bien sûr. Et le sien.