Marlène Schiappa: quand la légèreté fait tomber

par Valérie Lecasble |  publié le 18/06/2023

Pourvu qu’elle brille, rien ne l’arrête. Prête à tout pour se faire remarquer, elle a un temps épaté la galerie. Mais une fois le soufflé retombé, à l’heure d’un possible remaniement, la voilà sur le grill…

Marlene Schiappa,-Photo Xose Bouzas / Hans Lucas /

« Ils ont tellement la trouille de se faire virer qu’ils sont prêts à n’importe quoi. Juste pour se faire remarquer ». Voilà comment, au printemps dernier, un fin connaisseur de la pléthore des ministres désœuvrés décryptait l’hallucinante décision de Marlène Schiappa de faire la Une de Playboy.

En pleine crise des retraites, alors que les Français étaient dans la rue, la Secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale et solidaire n’a pas trouvé mieux que de s’enrouler sur quatre pages dans un drapeau français, sexy, en robe blanche, au nom de la liberté des femmes, du féminisme, de la politique et de la littérature.

Un épisode un brin inélégant, surtout peu de temps après avoir – décidément – posé dans Paris-Match et raconté son coup de foudre à New York pour Matthias Savignac, le puissant patron de la Mutuelle Générale de l’Éducation nationale. La prochaine séance dans Gala ?

Elle est comme ça Marlène Schiappa. Sans limites. Provocatrice, décalée, imprévisible et incontrôlable avec un côté écervelé qui, au début, plaisait à Emmanuel Macron. N’était-ce pas elle qui, avec sa gouaille et son franc-parler, avait chauffé la salle pendant la campagne électorale de 2017 pour le candidat en route vers la Présidentielle ? Voilà enfin du caractère, de la détermination, quelques coups politiques. Quel contraste avec l’effacement de ses collègues venus comme elle de la société civile.

Un temps, cette façon qu’elle a d’enfoncer les portes lui profite. Dès 2017, elle accède au Secrétariat à l’Egalité entre les femmes et les hommes. Elle a son heure qu’elle croit de gloire quand elle participe en pleine crise des Gilets jaunes à « Balance ton poste », l’émission de Cyril Hanouna. Et à qui elle offre des lettres de noblesse. Merci, Princesse.

Les critiques pleuvent. À s’exhiber ainsi , elle ne tient pas son rang. Elle s’en moque, « n’en déplaise aux rétrogrades et aux hypocrites ». Elle se croit populaire, l’essentiel est qu’on la remarque. À tout prix.

Mais pendant que Marlène s’exhibe et babille, la ministre ne fait pas grand-chose. Rien sur la prostitution, un peu sur les violences conjugales, sinon un soutien controversé à Nicolas Hulot et Gérald Darmanin qui font l’objet de plaintes pour viol. Ce qui lui vaut les critiques des féministes. Un bilan guère reluisant.

Quand un politique échoue, ne reste qu’à lui donner du galon. La voilà nommée d ans le gouvernement Castex, Ministre déléguée à la Citoyenneté – sans doute en hommage au drapeau national dans Play Boy. Six mois après la décapitation de l’enseignant Samuel Paty, elle annonce la création du Fonds Marianne doté de 2,5 millions d’euros pour lutter contre le séparatisme. Là, on ne rit plus.

Sauf que… la gestion douteuse de ce fonds l’a conduite il y a quelques jours sur un siège inconfortable face à la commission d’enquête du Sénat. Bien embarrassée à l’heure d’expliquer comment l’essayiste Mohamed Sifaoui a pu se retrouver le principal bénéficiaire, à hauteur de 355 000 euros, du fonds qui avait pour vocation de financer des associations défendant les valeurs de la République et luttant contre l’islamisme radical.
Quelques jours plus tard, le même Mohamed Sifaoui, dans un costume bleu impeccable, la trainera dans la boue et répondra, plein de morgue et d’agressivité, aux mêmes sénateurs.

Absente lors du premier gouvernement Borne, notre ministre à temps partiel a réussi à ressurgir dans le deuxième. On voit mal, cette fois, comment la Playgirl pourrait survivre à un éventuel remaniement. Le bling bling politique n’a qu’un temps.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique