Maroc : en finir avec le viol des enfants
Dans un pays où le viol est souvent qualifié «d’atteinte à la pudeur» des voix de femmes de plus en plus nombreuses s’élèvent pour dénoncer le scandale
Khadija, 15 ans, s’est immolée par le feu en 2016, Meriem, 14 ans, est morte après un avortement clandestin réalisé au domicile de son violeur, Sanae , 11 ans, a été violée plusieurs fois pendant un an par trois hommes de son village, et Fatima Z. a été victime d’un viol collectif par six hommes qui n’ont été condamnés – avant le tollé – qu’à un an de prison ferme en décembre 2021.
Ces jeunes filles – des enfants – ne sont pas des cas isolés selon les associations de droits humains au Maroc. Selon une enquête menée par le ministère de la Famille en 2019, plus de 50 % des femmes interrogées disaient avoir été victimes d’agression sexuelle, 6,6 % d’entre elles seulement ayant accepté de porter plainte contre leur agresseur. Au-delà du viol, qu’ont-elles donc en commun ?
Elles sont nées et vivent au Maroc dans un pays où tout invite au silence quand vous êtes violée, même si vous êtes mineure, parce que les rares jugements rendus sont très souvent favorables aux violeurs. Selon le collectif @Masaktach, qui a analysé les données de 1169 procès d’infractions sexuelles, la moyenne des peines pour viol ne dépasse pas trois ans.
Pourquoi parler quand l’honneur de la famille l’emporte sur le Code pénal, quand les jugements rendus privilégient votre agresseur, quand vous avez peur d’être accusée d’avoir enfreint l’article 490 du Code pénal qui interdit les relations sexuelles hors mariage, quand l’avortement vous est interdit (sauf si votre santé est en danger) et que l’enfant né de ce rapport non voulu sera considéré comme illégitime du point de vue du code de la famille ?
Il est néanmoins permis d’espérer : la société civile marocaine ne se tait plus, nombreux sont les collectifs composés de femmes et d’hommes qui dénoncent ce qu’ils appellent une « culture du viol ». Le procès en appel des bourreaux de Fatima Z. s’est ouvert aujourd’hui. La question est de savoir si le Tribunal d’Agadir les condamnera enfin à la peine qu’ils méritent.
Au nom de toutes celles qui silencieusement continuent de subir ce que certains osent encore appeler de simples atteintes à la pudeur, parce qu’elles ne sont pas mariées ou tout simplement parce qu’elles sont encore vierges.