Marseille peut-elle sauver la Provence du RN ?

par Jean-Paul de Gaudemar |  publié le 05/07/2024

Le combat est désormais plus frontal que jamais entre une droite dure et la gauche dans la variété de ses nuances.

Les contreforts de la colline menant a la Bonne-Mere du quartier Vauban de Marseille. Esprit village. Photographie par Anne-Sophie NIVAL / Hans Lucas. (Photo by Anne-Sophie NIVAL / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

À l’issue du premier tour, sur l’ensemble de la Provence (hors Var et Alpes-Maritimes, où la domination du RN est écrasante depuis longtemps), dans ces terres longtemps acquises en bonne partie à la gauche, la vague brune noie à nouveau tous les départements. Le grand perdant apparait déjà comme le parti de la majorité présidentielle, Ensemble. Ainsi, dans les Bouches-du-Rhône, ou il détenait 6 députés sur 16 circonscriptions, il n’en restera plus aucun. Tous ses candidats soit ont été éliminés, soit ont dû se désister au nom d’un candidat Front Républicain. La secrétaire d’État à la ville, Sabrine Agresti-Roubach, en a fait les frais, au profit de la candidate Place Publique (la seule du département).

Mais la situation est la même dans le Vaucluse, où tous les candidats du RN améliorent leurs scores au détriment de la droite.  On peut parier sans trop de risque pour un grand chelem pour le RN, sauf peut-être en Avignon. Il en va de même pour les deux départements alpins Alpes de Haute-Provence et Hautes-Alpes. Il restera certes des duels, mais entre RN et gauche, dont l’issue ne fait guère de doute, tant les candidats du RN ont de l’avance.

Au-delà de cette élimination complète du parti macroniste, rallié pourtant par tous les partis de droite et leurs leaders régionaux, la gauche, paradoxalement, connait un certain regain en voix. Au point de pouvoir considérer la fin de la parenthèse du « en même temps ». Le combat est désormais plus frontal que jamais entre une droite dure et la gauche dans la variété de ses nuances. Certes, le regain est timide et sera insuffisant pour gagner des circonscriptions, mais il est réel si l’on compare les résultats à ceux de 2022, mais aussi à celui des européennes.

Dans les deux départements alpins, la gauche s’approche ou dépasse les 30 %. Dans le Vaucluse, où l’implantation du RN est plus ancienne, on en reste entre 20 et 25 %. Sauf en Avignon, où Le Nouveau Front Populaire s’est payé le luxe d’avoir deux candidats, dont un LFI dissident, et dont le total théorique de voix dépasse celui du candidat RN. Rien n’est donc exclu pour le deuxième tour.

Quant aux Bouches-du-Rhône, hors Marseille, il reste un petit espoir dans les deux circonscriptions d’Aix-en Provence, avec deux candidats socialistes arrivés deuxièmes. Mais tout va dépendre des reports de voix et de l’attitude des candidats d’Ensemble. Ailleurs, ce qu’il restait des anciens bastions communistes a disparu : Aubagne, Martigues, l’Étang de Berre, Gardanne, Arles sont désormais dominés par le brun, avec des scores entre 45 et 50 % pour le RN au premier tour.

Mais c’est de Marseille que peut renaître un vrai espoir. Dans le centre et une partie des quartiers Nord, Manuel Bompard et Sébastien Delogu (NFP-LFI) sont élus dès le premier tour. Et sur les 7 circonscriptions que compte la ville, la gauche est en embuscade dans 3 autres, dont deux avec des chances sérieuses. Même dans la deuxième circonscription, la plus bourgeoise, ancien fief de Jean-Claude Gaudin, le candidat socialiste (adjoint au maire Benoît Payan) a dépassé la sortante Ensemble et si les reports de voix sont bons, pourrait créer la surprise.

Au total, dans cette Provence presque uniformément brune, pourraient émerger quelques îlots de gauche. Marseille, où le NFP pourrait emporter une majorité de circonscriptions. Ou avec un peu d’optimisme, Aix-en-Provence, voire Avignon. En clair, les seules plus grandes villes. Marseille, encore et toujours ville rebelle, sera-t-elle la seule ?

Jean-Paul de Gaudemar

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