Mathilde Panot, le bulldozer des Insoumis

par Yoann Taieb |  publié le 14/10/2023

Membre du premier cercle de Mélenchon, la députée du Val-de-Marne multiplie les déclarations chocs. Portrait d’une Insoumise qui ne transige jamais

Mathilde Panot, présidente du groupe parlementaire de La France Insoumise (LFI) et de la coalition de gauche NUPES (Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale), après une réunion avec le Premier ministre français à l'Hôtel Matignon à Paris le 15 septembre 2023 - Photo Bertrand GUAY / AFP

On la voit souvent à l’Assemblée nationale, micro dans les mains en train d’admonester le gouvernement. Un jour, c’est Élisabeth Borne qui est visée pour dénoncer son usage effréné du 49.3, un autre Marine le Pen pour lui rappeler le passé de son parti ou certaines de ses positions ambiguës. Plus spectaculaire fut son intervention début octobre où, une fiole de punaises de lit à la main — façon Colin Powell à l’ONU — elle a exigé un plan d’urgence contre ce fléau.

Militante chevronnée et politique habile, Panot a compris que pour exister, il faut marquer les esprits, quitte à choquer. Jean-Luc Mélenchon dit d’elle que c’est la « meilleure présidente de groupe parlementaire du monde ». En 2021, elle a pris sa succession à la tête des députés à l’Assemblée et les dirige d’une main de fer. Tous savent qu’on doit suivre le rythme imposé par la cheffe. Décrite comme acharnée et intransigeante, elle a gravi tous les échelons, de militante de base jusqu’au premier cercle de Mélenchon.

Mathilde Panot pilonne et charge. C’est blanc ou noir, oui ou non, avec elle ou contre elle. Aucune demi-mesure. D’où vient cette propension à être si inflexible ? Si l’on fouille son passé, on ne trouve rien de très brutal. Née à Tours, fille d’une professeur de mathématique et d’un ingénieur agronome, elle passe sa jeunesse dans le sud d’Orléans, au bord de la Loire, douce France, pas au pied d’une usine de Roubaix en grève…pas de quoi vous transformer en petit taureau furieux.

Sa proximité avec la nature, dit-elle, serait la raison de son engagement sans faille dans la cause environnementale, elle qui vote systématiquement en faveur des projets de loi écologiques. Avec parfois un enthousiasme peu scientifique : « Nous avons des situations de sécheresse dans les océans et dans les mers, c’est dramatique ». En effet.

Diplômée de Science po, elle s’investit dans le social en animant un atelier de lecture dans les quartiers populaires où, déclic, elle réalise le besoin de représentation des classes populaires. Pour les incarner, qui d’autre que Mélenchon à la tête des Insoumis ?

Dès 2015, elle le rejoint et participe à la présidentielle 2017 en lançant les « caravanes insoumises » qui font le tour du pays pour présenter le concept phare de Jean-Luc Mélenchon, « la révolution citoyenne », censé conduire vers la VIe République. « Impressionnante d’organisation et d’imagination », dit-on, elle marque des points, brigue la députation en 2017, est élue, et réélue en 2022 au premier tour dans une circonscription historiquement communiste. Depuis, son nouveau terrain de jeu — de massacre -est l’Assemblée nationale.

Son activité ? Sonner la charge, sommer, menacer, dénoncer, le gouvernement, défendre des personnes et des positions indéfendables, marcher sur la laïcité et au passage piétiner la presse, qui la critique.

En 2018, elle sonne la charge contre Macron et les « dossiers secrets de la République en réclamant une commission d’enquête sur l’assassinat du révolutionnaire Thomas Sankara, ex-président du Burkina-Faso. Elle se  bâillonne pour protester contre la réduction du temps de parole des partis d’opposition, mène une guerre implacable contre la réforme des retraites et menace le gouvernement d’une révolution pour le faire tomber coûte que coûte.

Rien ne l’arrête. Sophia Chikirou, proche de Jean-Luc Mélenchon, se trouve-t-elle engluée dans une affaire de détournements de fonds et d’autoritarisme ? Aussitôt, Mathilde Panot la défend vigoureusement, en dénonçant des attaques… « sexistes ».

Complaisante envers une forme d’islam radical, elle choisit l’anniversaire de la mort de Mahsa Amini, – iranienne battue à mort parce qu’elle refusait de porter le voile, – pour défendre l’abaya et le droit des femmes à se vêtir comme elles le veulent. En clair: si les Iraniennes peuvent refuser le voile, les musulmanes de France ont, elles, le droit de porter l’abaya. En oubliant que l’interdiction ne vaut qu’ à l’intérieur des écoles de la République.

Pour dénoncer l’interdiction du port de ce vêtement religieux, elle n’hésitera pas à prendre pris la plume en anglais, afin d’alerter des mouvements woke à l’étranger, au motif que la France bannit les jeunes filles des écoles au nom d’un instrument de domination : la laïcité.

Dernière en date, cette semaine, quand elle refuse de qualifier le Hamas de « groupe terroriste », se contentant d’un simple « groupe armé ». Et comme les journalistes osent demander plus de clarté, elle leur tourne le dos en lâchant  qu’elle ne « bougerait pas d’un iota (…) vous vous contenterez de ça ! »

Politiquement, elle est l’ombre du grand chef, maîtresse du premier cercle opaque et chapeaute le parti avec Manuel Bompard. Les militants disent qu’il vaut mieux être avec elle que contre, quitte à revoir ses idées : « Oui, elle est brillante, mais elle fait peur. Et quand elle parle, c’est Mélenchon qui s’exprime. Pas de place pour la contestation. »

À trop vouloir jouer la furie-en-chef de Mélenchon, elle prend tout de même le risque de faire fuir des électeurs. « Les positions prises concernant le Hamas constituent un vrai cas de conscience », s’inquiète un militant, anonyme, bien sûr. Si Mathilde l’apprenait… silence dans les rangs !

Yoann Taieb