Matignon : hémorragie cérébrale au sommet
Remaniement, pas remaniement, restera, restera pas… Pendant ce temps, dans les coulisses, près d’un tiers des conseillers, « petites mains » des ministres, sont déjà partis. Le début de la fin?
Matignon a toujours donné le tempo dans la conduite de la politique, mais aussi dans la perspective des changements. Or, voilà qu’Aurélien Rousseau et Etienne Champion, respectivement directeur de cabinet et directeur adjoint d’Élisabeth Borne s’en vont après seulement un an en fonction.
Arnaud Rousseau n’était pas un fidèle de la Première ministre, mais un profil poussé par l’Élysée qui désirait un homme de confiance pour accompagner une cheffe de gouvernement inattendue.
La rumeur courait depuis mars, il n’était pas à l’aise avec la réforme des retraites, usé par le rythme et lassé du management réputé dur de sa patronne. Elisabeth Borne. Les socialistes du cabinet Borne ont des cas de conscience face à ce qu’ils voient comme des reculs politiques. Ils ne voulaient pas et ne veulent pas être associés à toutes les décisions politiques à venir, notamment sur l’immigration, source de désaccords.
Le « En même temps » macronien a ses limites : la conscience politique du personnel qui ne peut défendre un acquis ici et un recul là. Et le directeur de cabinet est le point fixe, contraint, par nature, de gérer toutes les exigences.
Les fonctions au sein d’un cabinet ministériel sont prestigieuses, mais réputées usantes. Aurélien Rousseau, ancien militant communiste, a toujours vogué à gauche et les conseillers de l’équipe lui sont fidèles. Pas à Élisabeth Borne avec laquelle ils n’ont pas de liens ou combats communs passés. Ce qui la fragilise d’autant plus : moins on a de collaborateurs fidèles et dévoués, plus ils partent, et plus le crédit politique s’étiole.
Les chiffres des départs, un an à peine après la réélection de Macron, sont éloquents : sur 660 conseillers, environ 170 sont déjà partis au bout d’un an dont 34 sur 60 à Matignon, 14 au Quai d’Orsay, et 12 à l’agriculture, pour ne citer que ces ministères. Près d’un sur trois ! Si on se concentre sur le profil des départs, ce sont les conseillers en communication qui sont les plus nombreux : 40% d’entre eux ont quitté leurs fonctions. Des chiffres que l’on retrouve habituellement à l’approche de la fin d’un mandat, au soleil couchant d’un président, quand chacun cherche une porte de sortie.
Le probable remaniement à venir pose aussi un problème dans la gestion des ressources humaines. Comment porter des projets quand les ministres peuvent être débarqués du jour au lendemain ?Les conseillers ne sont pas à l’abri de la précarité et s’engager aujourd’hui, c’est prendre le risque de se retrouver… au chômage dans quelques semaines.
Il reste encore 4 ans de mandat. Gageons que, à l’approche de la fin, chacun, conseiller ou ministre, cherchera à se positionner en vue du monde post-Macron. L’hémorragie n’est pas prête d’être stoppée…