Matignon : le prochain locataire ?

par Valérie Lecasble |  publié le 05/07/2024

Quel Premier ministre d’un gouvernement qui exclurait les extrêmes et irait du Parti Communiste aux Républicains ? Exercice de style

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Après la surprise du second tour, l’éventuel gouvernement de coalition a besoin d’un Premier ministre. Quelques noms possibles…

Raphaël Glucksmann

Il est avec Gabriel Attal celui que les Français préfèreraient avoir comme Premier Ministre, si l’on en croit une récente étude de la Fondation Jean Jaurès. Lors de la campagne des élections européennes, il a réussi à créer une dynamique et à susciter l’envie d’une social-démocratie qu’il dénomme « radicale ». Malgré de nombreuses divergences sur le programme, il n’a guère hésité à appeler à voter en faveur du Nouveau Front Populaire, afin d’empêcher un raz de marée du Rassemblement National à l’Assemblée Nationale.

Le 9 juin, il a récolté 14 % des voix et a devancé de 4 points la candidate de La France Insoumise, Manon Aubry, ce qui a permis au Parti socialiste de décrocher 100 candidatures supplémentaires aux élections législatives et a obligé LFI à en perdre autant. Il a ainsi gagné ses galons de leader de la gauche, a minima au niveau européen. Il lui reste à apprendre à s’imposer dans les méandres de la politique française et à développer sa maîtrise des enjeux purement nationaux.

François Hollande

En adoubant le Nouveau Front Populaire, puis en se lançant en Corrèze dans la course à la députation, il a pris son risque pour revenir dans le jeu politique. Convaincu que le pouvoir se situera à l’Assemblée Nationale, il espère y retourner pour reconstruire sa famille politique et peser sur le cours des évènements.

Troisième personnalité la plus populaire de France et fort de son expérience d’ancien Président de la République, il a le profil et la légitimité pour être le « sage » d’un gouvernement de coalition, trans-partisan. Appelant dès le 10 juin à rassembler la gauche au premier tour et le Front républicain au second, il a impulsé et tenu sur la durée une ligne propre à combattre le Rassemblement National. Reste qu’il serait cocasse et inédit de voir un ex-Président devenir le Premier ministre de… son ancien ministre de l’Économie.

Marine Tondelier

Elle a surgi de nulle part, alors qu’on ne l’attendait pas. Après un score décevant de 5,5 % aux élections européennes, résultat de la campagne décousue menée par une Marie Toussaint peu audible, les Verts auraient pu passer à la trappe lors de la constitution du Nouveau Front Populaire. Tout au contraire, leur secrétaire nationale a imposé l’alliance de toutes les gauches, y compris LFI, que le Parti socialiste avait tenté un instant d’écarter, et elle a montré à cette occasion une poigne inattendue. Elle a aussi réussi à décrocher pour son parti 92 candidatures aux législatives, pas beaucoup moins qu’en 2022, alors que Yannick Jadot avait raflé aux élections européennes de 2019 près de trois fois plus de voix (13,4 %) qu’en 2024.

Implantée à Hénin-Beaumont, le fief de Marine Le Pen, ses larmes sur France Inter en réaction aux propos de Bruno Le Maire, qui avait renvoyé dos à dos LFI et le RN, ont fait le reste, en ajoutant sur la scène médiatique une bonne dose d’humanité à son caractère trempé. Pont entre les gauches radicale et modérée, il lui manque la légitimité sur le fond des dossiers.

Gabriel Attal

Il serait paradoxal et démocratiquement scandaleux que celui qui a mené la campagne du bloc central, classé derrière le Rassemblement National et le Nouveau Front Populaire, parvienne à sauver son poste à Matignon, faute d’alternative évidente. Il a pour lui d’avoir réussi à dissocier son image de celle d’Emmanuel Macron et d’avoir du coup conservé son crédit – qu’il partage avec Raphaël Glucksmann – de Premier ministre préféré des Français. Il n’a rien lâché pendant la campagne des législatives, multipliant les déplacements et invoquant l’un des premiers la possibilité de constituer un arc républicain. Il a aussi fait preuve d’ouverture en étant relativement clair au sein de la majorité, dans sa lutte contre le Rassemblement National. Il a enfin lâché in extremis la très contestée réforme de l’assurance chômage.

On voit mal cependant comment il pourrait gommer les trois semaines de campagne où il a diabolisé deux extrêmes, de droite et de gauche, en y incluant le Nouveau Front Populaire à part égale avec le Rassemblement National. Ni de quelle façon il pourrait convaincre que placé dans les urnes le dernier, il se retrouverait… le premier.

Xavier Bertrand

En appelant à la constitution d’un gouvernement provisoire, de sursaut républicain, qui rassemblerait toutes les forces décidées à lutter contre le Rassemblement National, le Président de la région Hauts-de France tente habilement de se mettre au centre du jeu. Il a sur le sujet la légitimité de batailler de longue date sur le terrain contre Marine Le Pen et ses lieutenants. Il est « aidé » par Eric Ciotti, le nouvel ami du RN, qui, en demandant son exclusion du parti Les Républicains, l’adoube comme son meilleur opposant. Et, en occupant chaque jour les plateaux de télévision, il rappelle qu’il avait tenté il y a quelques années, d’être candidat à l’élection présidentielle…

Photos : Joël Saget / AFP – Quentin Veuillet / NurPhoto – Ludovic Marin / Pool / AFP – Zakaria Abdelkafi / Pool / AFP) / Pool olely for Abaca

Valérie Lecasble

Editorialiste politique