Matignon : l’hypothèse Moscovici

par Valérie Lecasble |  publié le 15/07/2024

Le Président de la Cour des Comptes pourrait être un bon Premier Ministre de compromis, ralliant la gauche réaliste et les macronistes. 

Le président de la Cour des comptes française, Pierre Moscovici, ancien commissaire européen et ancien ministre des Finances -.Photo Alain JOCARD / AFP

Il s’agit à ce stade d’une simple rumeur, devant laquelle se dressent de nombreux obstacles, mais elle paraît plus crédible que la proposition d’Huguette Bello, illustre inconnue, que Fabien Roussel avait sortie de son chapeau pour tenter de contourner l’interminable face à face entre les Insoumis et le Parti Socialiste.

De sensibilité socialiste, chargé du programme de Dominique Strauss-Kahn pendant les primaires de la gauche en 2011, puis nommé directeur de la campagne de François Hollande à la présidentielle de 2012, et enfin ministre de l’Économie et des Finances, Pierre Moscovici a un profil d’économiste pro-européen qui peut ratisser large parmi les députés de l’Assemblée Nationale. Avec un tel parcours, il servirait au contraire de repoussoir aux extrêmes, de gauche comme de droite.

Politique, il a aussi de solides compétences techniques depuis qu’il a navigué au sein des arcanes de l’Europe, lorsqu’il était Commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, et surtout depuis 2020 qu’il préside la Cour des Comptes française, en affichant à la fois le sérieux de sa fonction et l’indépendance de sa personnalité.

Ainsi, il a saisi le 15 juillet l’occasion de la publication de son rapport de la Cour des Comptes pour tirer une fois encore l’alarme sur l’état des finances du pays. La France ne peut pas continuer avec 3 122 milliards de dette, assène-t-il avant de marteler que réduire la dette est « un impératif qui s’impose à tous les partis ». Sa façon à lui de se placer en statue du commandeur, au-delà des batailles picrocholines qui agitent depuis le 7 juillet la classe politique française.

Le même jour, Olivier Faure a ouvert le jeu. « Le Nouveau Front Populaire n’est pas seulement un quarteron de partis, c’est aussi des gens qui nous ont accompagnés, des économistes, des intellectuels, des syndicalistes », nous avons un « vivier gigantesque, avec des personnalités fortes qui peuvent nous emmener vers la possibilité de gouverner », a lancé le Premier secrétaire du PS.

La Constitution prévoit qu’en cas de blocage, faute de trouver une majorité à l’Assemblée Nationale, un « sage » avec de l’expérience et une possibilité de créer le consensus peut être choisi par le Président de la République pour diriger le gouvernement à Matignon.

Paradoxalement, le manque de charisme parfois reproché à Pierre Moscovici pourrait être un atout pour rassembler les ténors de la politique traditionnelle. Le précédent de la nomination de Mario Draghi en Italie pour gouverner une coalition impossible est dans tous les esprits. Certes, l’ancien président de la Banque Centrale européenne avait tenu seulement dix-huit mois à son poste. Mais ce serait en France, le temps nécessaire pour permettre une dissolution et l’élection de nouveaux députés.

Par ailleurs, le gouvernement vient de renoncer à augmenter le 1er août le tarif de l’électricité contrairement à ce qu’il avait initialement annoncé. La preuve que chacun a désormais à l’esprit la priorité des Français en faveur de leur pouvoir d’achat. Accroître le pouvoir d’achat impose une gestion avant tout économique de la situation de la France. La réduction de la dette en est la priorité, puisque son paiement est en passe de devenir le premier poste de dépense du pays. En cela, Pierre Moscovici se positionne comme celui qui pourrait détenir les compétences pour devenir le Premier ministre d’une France en crise, politique et sociale.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique