Mayotte : l’aveuglement « décolonial »
Une partie de la gauche dénonce une politique « néocoloniale » à Mayotte. Une vision qui fait fi des réalités locales
La situation d’île de Mayotte est « post-coloniale », lit-on ici et là, notamment sous la plume de commentateurs de la gauche radicale. Définition à la fois floue et commode. Si l’on veut dire que le statut de Mayotte est un héritage de l’ancienne situation coloniale, on énonce une banalité.
Mais si l’on veut dire que la solution de la crise passe par la fin rapide de ces liens « post-coloniaux », on plaque sur une réalité rétive un schéma idéologique totalement décalé.
Car, en l’occurrence, si cette île du canal de Mozambique reste dans l’espace juridique français en dépit de son éloignement, c’est par la volonté des « colonisés » eux-mêmes. En 1974, l’archipel des Comores, occupé par la France au 19ème siècle, a gagné son indépendance à la suite d’un référendum local, et donc au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
L’ennui, c’est que le même droit à l’autodétermination a conduit les Mahorais, habitants de Mayotte, à se prononcer, à rebours des autres Comoriens, pour leur maintien dans l’ensemble français, décision confirmée ensuite par deux autres consultations au résultat massivement pro-français.
On peut le comprendre : devenue département français, et quoique très pauvre au regard des critères métropolitains, l’île jouit d’un niveau de vie environ neuf fois supérieur à celui de ses voisines.
Tandis que l’archipel des Comores, indépendant, a vécu sous la férule de régimes corrompus hautement instables (une bonne trentaine de coups d’État), qui ont maintenu la population dans une misère catastrophique.
Depuis longtemps, Mayotte est déstabilisée par l’immigration massive de Comoriens qui fuient la misère de leur pays et espèrent améliorer leur sort en s’intégrant à ce département français. Pour leur malheur et celui de l’île, ces immigrés se retrouvent la plupart du temps confinés dans des bidonvilles insalubres, sans moyens d’existence et sans travail, ce qui crée une situation hautement criminogène qui rend la vie de beaucoup de Mahorais insupportable. Lesquels appellent à l’aide la métropole.
C’est dans ce cadre que se développe l’opération musclée « Wuambushu » (« Reprise » en mahorais), initiée par Gérald Darmanin, destinée à démanteler certains bidonvilles et à renvoyer dans les îles voisines les immigrés sans papiers.
On peut juger cette réponse brutale, contestable et partielle, alors que les solutions se trouvent tout autant du côté social et économique. Mais plaquer sur cette crise inextricable des schémas simplistes n’ouvre la voie à aucun solution pratique, sinon à une « décolonisation » dont la majorité des Mahorais ne veulent à aucun prix.
À l’inverse des schémas « décoloniaux », l’affaire n’est pas ethnique, mais politique : tout Comoriens qu’ils soient à l’origine, les Mahorais ne veulent pas tomber dans le giron d’un gouvernement voisin qu’ils jugent autoritaire et inefficace. Dans ces conditions, que doit faire la France, sinon assurer le respect de la loi et aider au développement de l’île, tout en négociant avec le gouvernement comorien pour stabiliser la situation ?
Toute autre solution violerait les droits politiques de la population locale au nom de conceptions abstraites et faussement progressistes.