McKinsey, la firme de tous les dangers
Un livre de deux journalistes américains dénonce l’influence mondiale et sans contrôle d’un cabinet de conseil fort de 45000 employés…
Un livre* paru aux États-Unis lance un cri d’alarme. Ses auteurs, Michael Forsythe, ancien de Bloomberg, et Walt Bogdanich, lauréat de trois prix Pulitzer, mettent en lumière plusieurs interventions de McKinsey. Un ancien consultant, anonyme, dénonce la toute-puissance occulte de cet énorme cabinet de conseil en stratégie : « Ceux qui pensent qu’une cabale […] contrôle le monde ont évidemment tort. Il n’y a pas de société secrète derrière toutes les décisions importantes qui façonnent le cours de l’histoire humaine. Mais il y a tout de même McKinsey & Company ».
McKinsey a un but : le profit, celui de ses clients comme le sien. Une vision sans nuance du capitalisme où les considérations éthiques ne sont pas forcément au premier plan. Leur activité touche toute sorte de domaines et s’étend dans le monde entier. La firme emploie 45 000 salariés, dont des milliers de conseillers recrutés après un examen redoutable de leurs compétences et de leurs motivations.
Ces experts peuvent intervenir pour des missions aussi variées que la modernisation du système de sécurité sociale britannique, la révision des procédures de maintenance à Disneyland, l’augmentation des ventes de médicaments de Purdue Pharma, le développement de l’industrie du charbon en Australie, l’émergence de géants économiques chinois sous contrôle étatique, la restructuration d’une entreprise énergétique majeure en Afrique du Sud, ou encore le pilotage de la campagne de vaccination contre le Covid-19 en France.
Les salaires bas de Walmart ? McKinsey…
McKinsey en vient à influencer la politique sociale des entreprises. Walmart, le distributeur américain, a versé des salaires si bas que les enfants de ses employés devaient demander l’aide publique. On discerne l’influence du cabinet dans cette triste situation. Ces conseillers, dans le but d’accroître la rentabilité, ont proposé d’augmenter le nombre d’employés à temps partiel de l’enseigne, de maintenir les salaires et les coûts du régime de santé à un bas niveau.
Le cabinet travaille aussi à l’international, sans se poser de questions. Quitte à influencer les rapports de force économiques internationaux. En Chine, la firme a prodigué des conseils à des entreprises surveillées par le gouvernement américain. Elle a ainsi contribué à renforcer leur position sur le marché mondial et donc l’influence de Pékin. En Arabie saoudite, McKinsey a de plus en plus d’influence auprès du prince Mohamed Ben Salmane.
Le cabinet a même été impliqué dans une étude visant à évaluer les impacts sociaux d’une réduction des subventions sur l’essence, dans le but de prévenir d’éventuelles émeutes populaires.
Comme le disent d’anciens consultants, le cabinet accepte tous les clients… pourvu qu’ils payent très cher. McKinsey continue de se revendiquer comme un cabinet « éthique » et « attaché aux valeurs de ses clients ». Reste à savoir si les « valeurs » de ses clients, sans parler des siennes, sont irréprochables.
*McKinsey pour le meilleur et pour le pire, Walt Bogdanich et Michael Forsyte, éditions Buchet Chastel, 448 pages