Médicament contre l’obésité… un gros marché

par Jacques Treiner |  publié le 22/03/2024

Le Wegovy, nouveau médicament « miracle », agit sur la sensation de faim  

L'influenceuse en ligne Virginie Grossat le 15 août 2020 à Lyon. Grossat, 32 ans, a 24 000 followers sur Instagram et 280 000 sur TikTok -Photo PHILIPPE DESMAZES / AFP

Dans un article publié en avril dernier, des pharmacologues mettent en cause la nécessité d’adopter une approche médicamenteuse à une maladie pour l’essentiel d’origine sociale et civilisationnelle, « si ce n’est pour trouver un nouveau marché à l’industrie pharmaceutique », et insistent sur le fait que ce sont les sciences sociales qui devraient être aux avant-postes de la prévention ; ce à quoi des praticiens hospitaliers ont répondu peu après que, « une fois constituée, l’obésité est une maladie qui se chronicise avec un risque fort de récidive, étant associée à un dérèglement durable des capacités de stockage d’énergie ».

Compte tenu des nombreuses complications de l’obésité, son traitement médicamenteux est donc justifié, car il améliore significativement la qualité de vie des patients et leur espérance de vie en bonne santé.

Quelques mots sur l’état des lieux. L’obésité a été reconnue en 1997 par l’Organisation mondiale de la santé comme « la première épidémie non infectieuse de l’histoire de l’humanité », et cette épidémie continue de s’étendre à un rythme rapide. Elle touche aujourd’hui plus d’un milliard d’individus au monde, dont 8,5 millions en France. C’est dire qu’effectivement, le marché potentiel est gigantesque, estimé à 43,5 milliards d’euros en 2030 par Morgan et Stanley !

Le diagnostic d’obésité est lié à la mesure de l’indice de masse corporelle (IMC) d’une personne. Cet indice est donné par le rapport du poids, exprimé en kilos, au carré de la taille, exprimée en mètres. À partir de la valeur 25, on est en surpoids, à partir de 30, on parle d’obésité, à partir de 35 d’obésité sévère et au-delà de 40 d’obésité morbide.

La controverse entre prévention et traitement médicamenteux de l’obésité est marquée par l’épisode du Mediator, mis en lumière par Irène Frachon. Il s’agissait au départ d’un coupe-faim amphétaminique présenté comme antidiabétique pour masquer son mode d’action.

De fait, profitant de l’avantage que le traitement du diabète est remboursé par la Sécurité sociale, sa prescription fut détournée pour des usages esthétiques (recherche de la minc

eur), sans tenir compte des effets secondaires sur le cœur, pourtant connus, d’où le scandale. Aujourd’hui, avec le Wegovy, la situation est inversée, aucun scandale ne pointe à l’horizon : le médicament permet d’obtenir une diminution de poids de l’ordre de 20 % (en agissant notamment sur le sentiment de satiété) et cela a un effet positif sur le diabète, voire d’autres maladies liées à l’obésité (arthrose, maladies cardio-vasculaires, hypertension artérielle).

Si l’on considère que la chirurgie bariatrique –  consistant à réduire le volume de l’estomac pour diminuer la quantité de nourriture que l’on peut ingérer-  traite aujourd’hui plus de 60 000 cas d’obésité sévère compliquée, ou d’obésité morbide, par la mise sur le marché des nouveaux médicaments représentera une réelle avancée thérapeutique – sans diminuer pour autant les impératifs de la prévention non médicamenteuse.  

Jacques Treiner

Chroniqueur scientifique