Mélenchon : adieu à la NUPES ?
Le leader de la gauche radicale se radicalise encore. Embardée habituelle ou prémisses d’un tournant stratégique ?
Refus de parler à Élisabeth Borne, manifestation agressive contre « les violences policières », attaques frontales contre Fabien Roussel à la Fête de l’Huma, et même appel public à la révolution, façon prise du Palais d’Hiver, dans un très vintage retour à la filiation léniniste : Jean-Luc Mélenchon fait feu radical de tout bois, dans le style « capitaine tempête » qu’il affectionne. Question de tempérament, dira-t-on, ou bien nouvel avatar de la « stratégie de la confrontation » qui lui sert de boussole. Peut-être…
Mais peut-être, aussi, une amorce d’un virage sur l’aile. L’Insoumis en chef a pris acte d’une réalité politique : il n’y aura pas de liste commune de la NUPES aux élections européennes. Sans hésiter pour les Verts et les communistes, à reculons pour la direction du PS, chacun a choisi de courir sous sa propre casaque, remisant l’union à des jours meilleurs. Dès lors LFI court un danger majeur. Si, comme le prédisent les sondages, les listes de gauche s’équilibrent en voix, c’en est fini de l’hégémonie des Insoumis. Pourquoi les partenaires de Mélenchon resteraient-ils le doigt sur la couture du pantalon s’il est démontré que leur potentiel électoral n’est, a priori, pas inférieur à celui de LFI ? Il se pourrait même qu’une liste PS et gauche républicaine ramène les réformistes à égalité avec les courants radicaux. Monstrueuse perspective…
D’où la bataille engagée : faute de contrôler la NUPES, Mélenchon va tenter d’arriver devant ses partenaires concurrents. Par quel truchement ? Comme le dit un socialiste d’expérience, en réalisant l’union, non de la gauche, mais celle de la radicalité. Dans cette hypothèse, son discours de rupture recouvre une volonté tactique limpide : siphonner chez ses partenaires-concurrents, ou dans l’extrême-gauche, les électeurs en colère et ceux que la mystique de la rupture fait vibrer. Dans un paysage amer et désenchanté, dans une société fracturée et divisée contre elle-même, le pari n’est pas fou. Et une fois l’opération réalisée, une fois la liste radicale arrivée en tête des forces de gauche, Mélenchon fait coup triple : il marginalise ses propres dissidents, Autain ou Ruffin ; il renvoie socialistes, Verts et communistes à leur faiblesse initiale ; il se retrouve sur sa rampe de lancement pour une candidature présidentielle.
Revenu en gloire, il n’aura pas même besoin de négocier quoi que ce soit avec eux : soit ils se rangeront derrière sa bannière rouge vif, soit ils courront le risque d’un premier tour rendu calamiteux par le vote utile. Nous n’en sommes pas là, bien sûr. Mais pour les composantes de la gauche responsable, il y a là une possible nouvelle donne qui appelle une réaction rapide.