Mélenchon et les juifs
En attaquant le Crif de manière injurieuse, Jean-Luc Mélenchon s’avance en terrain douteux et abaisse un peu plus le niveau du débat public
C’est devenu une routine accablante. Pour la énième fois, Jean-Luc Mélenchon déclenche une polémique absurde et injuste, qui lui permet d’occuper la scène et de squatter les réseaux un jour ou deux. De couac en provocation, d’insulte en réquisitoire, il installe l’idée qu’il est le seul à se faire entendre à gauche, tel un olibrius qui ferait tourner une crécelle pour couvrir la voix des autres.
Cette fois, c’est le Conseil représentatif des institutions juives de France (le Crif), qui est le prétexte et la victime de l’invective. Son président Yonathan Arfi, qui rompt régulièrement des lances avec LFI, reproche à l’imprécateur en chef son communautarisme et l’accuse d’avoir quitté « l’arc républicain ». L’attaque n’est guère agréable, certes, mais le refus des Insoumis de condamner les violences émeutières du début juillet les exposait à ce genre de mise en cause.
Légitimement, Mélenchon attaqué avait le droit de répondre. Fallait-il pour autant qualifier l’organe réunissant les principales organisations juives de France de mouvement « d’extrême-droite » ? On peut contester certaines prises de position du CRIF, qui a la fâcheuse habitude de soutenir sans nuances la politique des gouvernements israéliens, seraient-ils dirigés par un Netanyahou allié aux plus radicaux des partis de la Knesset. Mais il s’agit de politique israélienne.
En France, le CRIF ne cesse de mettre en garde l’opinion contre le vote Zemmour ou Le Pen, de dénoncer les menées de l’extrême-droite et de stigmatiser l’antisémitisme plus ou moins affirmé professé par certains ultras du nationalisme. Autrement dit, la saillie mélenchonienne est injurieuse et calomnieuse.
S’agit-il de cette rhétorique antijuive qu’on décèle parfois dans certains secteurs de l’extrême-gauche ? Ou bien d’un calcul pervers qui consisterait à attaquer un mouvement juif pour plaire à l’électorat musulman, parfois animé d’une hostilité déclarée envers Israël et les Français juifs ? On n’ose le penser… Plus vraisemblablement, c’est l’effet de cette théorie de la conflictualité, dont on connaît désormais par cœur le mécanisme.
Sur tout sujet, on choisit cyniquement l’outrance, de manière à déclencher une altercation furieuse qui pose LFI en contestataire radical détenant le monopole de la critique. Jean-Luc Mélenchon n’est peut-être pas sorti tout à fait de « l’arc républicain ». Mais une chose est sûre : par cette tactique systématique de tumulte et de violence verbale, il rend un très mauvais service à la République.