Meloni à l’épreuve des Européennes
Va-t-elle tomber à la droite des droites modérées ou dynamiter l’Europe de l’intérieur ? De notre correspondante à Rome
Un choix crucial pour « la Meloni », et donc un test pour le « laboratoire italien ». C’est l’enjeu de ces Européennes, avec leurs 47 millions d’électeurs transalpins et leurs probables 50 % d’abstentionnistes. La « condottiera » Giorgia Meloni joue son va-tout ce week-end après dix-huit mois de gouvernement extrêmement à droite. Elle est désormais sommée de choisir entre deux postures : celle de « la plus conservatrice des modérés » ou celle de « la plus pragmatique des extrémistes » ; prête à détruite l’Union européenne de l’intérieur ou à la sauver de ce qu’elle pense être ses démons ?
Elle a débuté dans la course électorale en duo au féminin, en compagnie de Ursula Von Der Leyen, la présidente de la Commission Européenne qu’elle ne cessait de rencontrer, avec laquelle elle voyageait en Europe et dans le Maghreb, une complicité qui semblait impliquer un appui à une réédition de la majorité du parlement européen droite modérée-socialistes -libéraux. Mais il y a eu la marche arrière du début de l’année. La présidente de la Commission qui séjourne inopinément à Rome et ne rencontre même pas la cheffe de l’exécutif.
Puis, les signaux se multiplient. Marine Le Pen redécouverte est qualifiée de « personnage intéressant ». Puis la campagne se personnalise radicalement avec ses « Je vote Giorgia », comme si chaque électeur lui donnait une affectueuse claque dans le dos. Surgit le principal slogan : « L’Italie change l’Europe ». Enfin le typique ton complice des désabusés péninsulaires du genre « donne-moi ton bulletin de vote, de toute façon je ne mettrai pas les pieds à Bruxelles ».
La campagne électorale italienne est affligeante. Aucun leader de grands partis, même lorsqu’il est tête de liste, ne siégera vraiment au Parlement européen. Pourquoi la Meloni a-t-elle choisi cette ligne ? Probablement pour des raisons de politique intérieure. Elle est coincée au sein d’une coalition gouvernementale où se retrouvent les souverainistes populistes, pro-Poutine et pro-Trump de la Ligue de Matteo Salvini, à côté des conservateurs modérés d’Antonio Tajani, héritier de Berlusconi, mais en vertigineuse perte de vitesse.
C’est aux premiers qu’elle a cédé en adoptant un style « Sortez les sortants ». Et un langage plus populaire, moins compassé et diplomatique que celui jusqu’alors pratiqué. Giorgia Meloni est allée jusqu’à se présenter en public à un adversaire de gauche avec cette formule : « Eh oui, je suis cette conne de Meloni » (« questa stronza di Meloni »). Elle a visité, en Albanie les centres d’accueil de migrants prévus par Rome pour gérer à l’étranger 3 000 immigrés par an, mais pas encore achevés.
D’un coup, la voilà redevenue la militante néo-fasciste peu fiable qu’elle avait cherché à faire oublier. Les faux pas de sa campagne européenne interrogent donc sur le « laboratoire italien », qui a su inventer autrefois le « miracle économique », l’Antimafia, ou l’antiterrorisme, mais qui a plus de mal avec les encombrants fantômes mussoliniens ?