Mer rouge : la « porte des larmes » s’est refermée
Les attaques des Houthis au Yémen contre les navires des pays alliés à Israël, en mer Rouge, en soutien au peuple palestinien, perturbent fortement le trafic maritime mondial et remettent l’Afrique sur le trajet entre Asie et Europe…
La guerre entre Israël et le Hamas a désormais des conséquences en mer Rouge, avec l’entrée en scène des Houthis au Yémen, en soutien au peuple palestinien. Les attaques lancées sur un grand nombre de navires commerciaux dépendant de pays alliés d’Israël, ont en effet un impact considérable sur le commerce maritime mondial.
Car la « Porte des larmes » (en arabe Bab el-Mandeb), le détroit qui ouvre la mer Rouge entre Djibouti et le Yémen voit passer environ 19 000 navires par an, 26 millions de conteneurs, 4,5 millions de barils de pétrole par jour, 8 % des cargaisons mondiales de gaz naturel liquéfié, soit près de 30 % du commerce mondial.
Au regard du nombre de navires concernés, plus d’une cinquantaine par jour, ces attaques des Houthis restent marginales, l’armée américaine estimant qu’elles n’ont concerné qu’une trentaine de navires depuis novembre. Mais elles ont tendance à s’accroitre, et perturbent la circulation dans ce couloir maritime en effrayant les armateurs soucieux d’éviter tout risque à leurs cargaisons.
D’où leur décision de détourner leurs navires et de leur faire suivre une autre route vers l’Europe ou les États-Unis, en contournant l’Afrique via le cap de Bonne-Espérance. Les conséquences économiques sur le marché mondial ont été très rapides. D’abord du fait du rallongement du temps de transport : de Taïwan à Rotterdam par exemple, en moyenne 26 jours via le canal de Suez, 40 jours en contournant l’Afrique. Du fait encore de l’engorgement des conditions de soutage dans les ports où les navires doivent recharger leurs cuves de mazout lourd, ports souvent mal adaptés à une telle affluence.
Tous ces délais supplémentaires occasionnent des retards importants de livraison, de l’ordre de deux à trois semaines, et de coût des marchandises livrées. Il est ainsi estimé que le prix du conteneur standard convoyé d’Asie vers l’Europe a triplé ces dernières semaines.
Ce détournement des navires de la mer Rouge et du canal de Suez est-il susceptible de bénéficier à l’Afrique, en incitant un certain nombre de ports, notamment dans le golfe de Guinée à accélérer leurs efforts de modernisation et de productivité dans le traitement des cargaisons ?
C’est peu probable, car cette situation pourrait ne pas durer.
D’abord par la mise en place par les puissances occidentales, de moyens militaires de défense plutôt efficaces pour protéger les flottes civiles contre les attaques des Houthis, appelées elles-mêmes à cesser si les différents plans de paix en train de s’esquisser entre Israël et le Hamas parviennent à être mis en œuvre.
Mais la Chine a, elle aussi, deux excellentes raisons de vouloir la fin de ce conflit. La première vient des investissements importants, supérieurs à 1 milliard de dollars, qu’elle envisage en Égypte, et destinés à conforter la stratégie chinoise OBOR ou « routes de la soie ». Mais la Chine n’a également aucun désir de voir s’enchérir le coût des produits qu’elle envoie partout dans le monde. Elle a donc engagé des négociations avec l’Iran, forte notamment de leurs nouveaux liens au sein des BRICS pour faire pression sur les Houthis. Mais ces derniers pourraient vouloir montrer qu’ils ne sont pas strictement alignés sur leur soutien principal. D’autant que dans le même temps leur conflit avec l’Arabie Saoudite connait une certaine pause.
Mais le rapport de forces est tel que cette situation ne peut être qu’éphémère. Il devrait donc en être de même du détournement du commerce maritime mondial par l’Afrique.