Merkel : l’héritage empoisonné

par Bernard Attali |  publié le 16/11/2024

Au début de ce mois la revue économique la plus respectée de Londres (The Economist) a publié un article sur Madame Merkel qui mérite le détour. Après voir encensé la chancelière allemande pendant ses seize années de pouvoir le magazine (1) dresse de son bilan un tableau d’une soudaine lucidité.

Angela Merkel (CDU), ancienne chancelière allemande, s'exprime après avoir reçu la Grand-Croix de l'ordre du mérite de la République fédérale d'Allemagne. (Photo MICHAEL KAPPELER / dpa Picture-Alliance via AFP)

L’Allemagne, en effet, ne se remet pas des années Merkel. Drogué par le mercantilisme de sa classe dirigeante, le pays s’est gavé de gaz russe au point de perdre son indépendance énergétique après avoir, en outre, décidé de démanteler ses centrales nucléaires. À plat ventre devant la Chine pour y promouvoir son industrie automobile le pays se trouve aujourd’hui à la veille d’une grande catastrophe industrielle, dépassée par des constructeurs chinois d’une modernité redoutable. Sans que la chancelière se soit posé la moindre question sur le respect des droits de l’homme au pays de son principal partenaire commercial.

En permanence sur le frein en matière de construction européenne, l’Allemagne s’est interdit toute relance budgétaire par un amendement constitutionnel de 2009 qui explique à la fois l’état lamentable de ses infrastructures et l’éclatement de la coalition actuelle. Alors que des taux d’intérêt très faible auraient permis au pays et à ses voisins européens d’éviter l’effondrement de sa productivité face à celle des États Unis.

L’entêtement allemand explique que le budget de l’UE dépasse à peine 1% du PIB européen. Dépendante de la protection américaine pour sa défense le pays n’a jamais consacré plus de 1,3% de sa richesse nationale à sa sécurité : au moment où la guerre gronde à ses frontières, au moment où l’Amérique se replie, la voilà aujourd’hui bien désemparée…

Madame Merkel doit publier ses Mémoires à la fin de ce mois (736 pages, pas moins…). Il sera intéressant de suivre la réaction de tous ceux qui, des deux côtés du Rhin, n’ont cessé de nous vanter le fameux « modèle allemand ». Dans la campagne on dit souvent : c’est à la fin de la foire qu’il faut compter les bouses.

(1) Cf l’édition du 21 septembre 2021

Bernard Attali

Editorialiste