MeToo : les garçons aussi
Impossible d’être une victime d’abus quand on est un homme…Faux. Comment briser le dernier tabou?
La cérémonie des Césars est devenue la rampe de lancement des mouvements contre les violences sexuelles. Alors que la profession du cinéma attendait l’intervention programmée de Judith Godrèche, c’est le comédien Aurélien Wiik, âgé aujourd’hui de 43 ans, qui a créé la surprise en rendant publics les abus dont il a fait l’objet: « J’avais 11 ans. De mes 11 ans à mes 15 ans, j’ai été abusé par mon agent et d’autres membres de mon entourage ». Sur Instagram, il a lancé le hashtag #metoogarcons et incité d’autres victimes à prendre la parole. Terrain propice. Depuis son appel, les témoignages se multiplient sur les réseaux sociaux.
En 2020, c’est sous le #metoogay que la parole avait commencé à circuler. La réception n’avait pas été la même. Il était alors déjà question de pédocriminalité envers les garçons, mais toujours sous le prisme de situations présentées comme des affaires particulières. En tête, les affaires concernant les actes criminels des membres de l’église – on se souvient du curé des paroisses de Caluire près de Lyon, Bernard Preynat. Il restait un pas essentiel à franchir : reconnaître le sujet comme un sujet concernant toute la société. Cela semble désormais chose faîte.
Pourquoi un #metoogarçons, et pas un #metoohommes ? Question de statistiques explique Lucie Wicky, doctorante en sociologie à l’École des hautes études en sciences sociales (Ehess) et à l’Institut national d’études démographiques (Ined) : 80 % des garçons sont agressés avant leur majorité. Des mineurs, donc. Les femmes , elles, le sont tout au long de leur vie.
En l’état des connaissances, 13 % des 87 700 victimes recensées en 2022 sont du genre masculin, cela représente 3,9 % de la population masculine contre 14,5 % de la population féminine. Constante : les garçons sont, comme les filles, massivement agressés par des hommes. Et la moitié d’entre eux le sont par des membres de leur famille.
Force est de constater que moins de célébrités masculines répondent pour l’heure à l’appel d’Aurélien Wiik que de dévoilements dans l’espace public de célébrités féminines. Cela viendra. Le sentiment de honte, en l’espèce, semble être bien plus fort . « On est dans une société où l’on se dit que pour un garçon, c’est impossible d’être victime », a dit Arnaud Gallais, (Le Monde), ex-membre de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants. « On s’imagine qu’un garçon va toujours savoir se défendre », ou qu’il serait plus consentant qu’une victime féminine.
Les tabous se conjuguent pour renforcer le silence, qui commence pourtant à se briser. Les réseaux sociaux, pour l’heure, sont les principaux vecteurs des témoignages. Ils sont devenus le cadre privilégié de dénonciations. Il est désormais indispensable que la justice se donne les moyens de prendre le relais.