Meyer Habib, député : l’étendard du Likoud
Depuis le massacre du 7 octobre, Meyer Habib, député français, omniprésent dans les médias, se bat au service de de Benjamin Netanyahou
À l’Assemblée nationale, en tant que député des Français de l’étranger, on l’a très rarement entendu prendre position sur les retraites, le budget ou la santé. Quand il s’empare du micro, Meyer Habib consacre plutôt ses interventions à la défense d’Israël. Un jour, il défend son industrie de défense et de sécurité, l’autre ses drones et son armée. Député français ou homme politique israélien ? Journalistes et députés sont sceptiques. Tout dans son parcours montre, pourtant, l’ascension d’un fils de famille juive, bien intégrée en France, mais que rien ne prédisposait à… embrasser paternellement Jordan Bardella, chef du RN lors de la cérémonie d’hommage aux victimes du 7 octobre 2023.
D’un côté, Meyer Habib a fait ses études à Paris et dans un établissement technique israélien avant de devenir directeur général adjoint de la marque Citizen puis directeur du groupe de luxe Vendôme. De l’autre, c’est un homme profondément imprégné de sa culture et de son identité juive. Emporté par l’élan du rêve sioniste, il s’engage, comme son père, dans le mouvement de jeunesse et paramilitaire, le Betar, une branche du Likoud (le parti de la droite nationaliste et religieuse israélien), connu pour sa radicalité et son passé violent.
Le Betar promeut l’autodéfense des juifs face aux menaces, et a introduit la notion de « conquête de ma patrie » en 1938 pour revendiquer la création d’un État juif unique. On a vu un de ses anciens chefs, Jacques Kupfer, regretter, au lendemain de l’assassinat de Itzhak Rabin, que celui-ci n’ait pas été condamné par un tribunal militaire pour avoir signé les accords de paix, dits d’Oslo, entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat sous l’égide de Bill Clinton.
Le « représentant » de Netanyahou
Dès 1988, Habib se fait remarquer avec le Betar puisque, le 8 mai, lors de la manifestation d’hommage à Jeanne d’Arc, réunissant des groupes d’extrême droite française. Les militants interviennent à coup de barres de fer : huit blessés, dont un dans le coma. Plus tard, le jeune Meyer se fait condamner à deux ans de prison avec sursis et mise à l’épreuve pendant trois ans pour coups, violences volontaires et rébellion contre les forces de l’ordre.
Poursuivant son engagement en faveur du rapprochement franco-israélien, il s’engage dans les années 90 au CRIF, devient président de la commission Israël et membre du Comité exécutif du fonds national juif. C’est à cette époque qu’il noue une profonde amitié avec Benjamin Netanyahou, alors au creux de la vague. Depuis, celui-ci le présente, dans de nombreux écrits, comme son « représentant » et Habib parle de lui comme d’un « frère ».
En 2013, il se lance dans la politique française sous l’étiquette, surprenante, d’un parti modéré et centriste, l’UDI de Jean-Louis Borloo. Au cours de la campagne, il reçoit l’appui de son vieil ami « bibi » et séduit ses électeurs avec des arguments appuyés sur la religion et Israël. En 2016, il apporte son soutien à François Fillon pour la primaire de la droite et repart en campagne pour les législatives de 2017 au cours de laquelle il se présente comme le candidat de la « cause sioniste » et des « valeurs de la Torah ». Netanyahou et des rabbins traditionalistes enregistrent des vidéos de soutien pour lui. À nouveau élu, il promet de siéger au Palais-Bourbon « au nom de la Torah ». Une question l’habite : Emmanuel Macron est un président « pro-israélien » ?
Le soutien du Shas
En 2022, sa propre campagne prend des accents religieux plus marqués puisqu’il profite du soutien du Shas, parti politique religieux ultra orthodoxe, qui lui propose d’utiliser sa plateforme téléphonique pour contacter les électeurs. Il gagne, mais voit son élection invalidée par le Conseil constitutionnel à cause d’irrégularités. Réélu aux législatives partielles, il suscite une polémique en fêtant sa victoire par une prière devant le mur des Lamentations.
Depuis une décennie qu’il est à l’Assemblée, comme représentant des Français de l’étranger, toutes ses interventions sont consacrées à Israël, à l’armée, sa défense. En 2017, il rue dans les brancards pour dénoncer l’organisation, à Paris, d’une conférence internationale visant à promouvoir la reprise du processus de paix israélo-palestinien. Pour lui, Jérusalem est la capitale de l’État, il qualifie de « pure chimère » l’idée d’une solution à deux États et soutient fermement la colonisation de la Cisjordanie.
Défense de la colonisation en Cisjordanie
Dans une intervention très remarquée à l’Assemblée, il prend le micro pour dire que « jamais un juif ne sera un colon à Jérusalem, jamais un juif ne sera un colon en Judée [Cisjordanie]. Jamais ! » Ses positions provoquent un malaise chez les diplomates français : « On est en droit de se demander si M. Habib représente la France auprès d’Israël ou Israël auprès de la France », dit l’un d’eux (Le Monde).
Habib se fait aussi remarquer par des propos sur Twitter., quand il rend « hommage » aux anciens présidents tunisiens et égyptiens, Ben Ali et Moubarak avec une formule maladroite : « des dictateurs certes … comme tous les dirigeants arabes » . Plus récemment, il a qualifié de « petites connes » des députées de gauche qui avaient dansé contre le gouvernement. Et certains médias rapportent qu’il est coutumier des menaces et pressions contre ceux qui le critiquent.
Oui, l’homme est difficile à cerner. À la fois membre du mouvement radical sioniste Betar, encarté à l’UDI avant d’être apparenté aux Républicains, équilibré vis-à-vis de Macron et très proche des partis ultrareligieux et nationalistes israéliens soutenant Benjamin Netanyahou. En un mot, centriste en France, mais avec la droite dure en Israël.