Michel Barnier, le Premier ministre quémandeur
Sans majorité ni boussole, le Premier ministre a dû sillonner la France pour tenter d’attirer à lui les futurs ministrables.
Comme souvent, Dominique de Villepin met le doigt là où ça fait mal. Ce gaulliste qui fut lui-même Premier ministre de Jacques Chirac n’en revient pas de la façon dont Michel Barnier, son ami et ancien collègue, gère sa fonction à Matignon. Qu’est donc devenue cette France où le plus haut gradé du gouvernement se trouve désormais contraint de se déplacer pour aller lui-même à la rencontre de ses ouailles s’il veut discuter, négocier, parfois même supplier les futurs ministres de le rejoindre ?
Dominique de Villepin se souvient du temps, il y a vingt ans, où le Premier ministre recevait sous les ors de Matignon les chefs de partis venus plaider la cause de leurs futurs ministrables auprès de celui qui aurait la générosité de bien vouloir les nommer. A cette époque, être ministre de la République restait un honneur.
Autre temps, autre moeurs. Depuis, la politique a été dévalorisée au point que sans majorité ni boussole, le Premier ministre prend aujourd’hui des allures de représentant de commerce, style VRP. Voici donc Michel Barnier contraint de parcourir des kilomètres pour aller à la rencontre de ceux qu’il espère pouvoir attirer – sous de multiples conditions – au gouvernement. Direction les Yvelines pour se rendre aux journées parlementaires d’Ensemble pour la République (EPR), avant d’aller à celles d’Horizons à Reims, puis de retourner en Seine-et-Marne pour le Modem avant de terminer son périple avec sa famille politique de la Droite Républicaine à Annecy. Ouf ! Il s’agit de tester ses idées pour tenter de trouver parmi ses interlocuteurs des personnalités qui acceptent de le rejoindre et de participer au gouvernement qu’il nous promet pour la semaine prochaine.
La plus cocasse fut sans nul doute la journée parlementaire d’Ensemble pour la République (EPR), où sous la houlette de Gabriel Attal, les anciens affidés d’Emmanuel Macron se sont montrés désorientés, incapables de savoir s’ils seraient dans l’opposition ou au gouvernement. Rétifs à le rencontrer, ils ont finalement été contraints d’accepter la présence de Michel Barnier en fin de journée, pour lui délivrer une inédite … « participation sans soutien » édictée par Gérald Darmanin non sans avoir anticipé l’extravagant scénario de leur démission collective au cas où Michel Barnier venait à sortir des clous qu’ils lui avaient fixés.
Depuis quand démissionne-t-on avant même d’avoir été nommé ? Sans se départir, Michel Barnier dont nombreux sont ceux qui louent son expérience et son sens de la négociation, a reçu le meilleur accueil d’Horizons dont la ligne politique droitière est proche de la sienne et aussi du Modem qui, même s’il campe sur la nécessité d’une ligne politique « équilibrée », ne rechigne jamais à prendre quelques maroquins. Quant à la Droite Républicaine qui avait crié jamais, la voilà la plus pressée d’entrer en force au gouvernement, surtout préoccupée à présent de savoir qui de Bruno Retailleau ou de Laurent Wauquiez s’emparera du très convoité ministère de l’Intérieur, qui reste depuis Nicolas Sarkozy dans l’esprit de la droite, un tremplin pour l’Élysée. C’est aussi l’enjeu de Michel Barnier : au-delà du gouvernement, composer avec les ambitions présidentielles d’un Laurent Wauquiez ou d’un Gabriel Attal…. Sans oublier les siennes.
Pendant que Michel Barnier avale les kilomètres et négocie, le pays est à l’arrêt. Eric Coquerel, le LFI qui préside la Commission des Finances à l’Assemblée Nationale, a beau jeu de s’alarmer de ne toujours pas avoir reçu les lettres plafond du budget, six semaines après la date réglementaire. Avec le rapporteur général du budget, Charles de Courson, ils iront lundi à Matignon réclamer un débat au Parlement sur le controversé projet d’un gel de 26,5 milliards d’euros des dépenses de l’Etat. Promis, dès lundi, on aborde les vrais sujets.