Migrants : les faux pas de Gérald Darmanin 

par Valérie Lecasble |  publié le 22/09/2023

En concurrence avec Gabriel Attal pour la course à la Présidentielle de 2027, le ministre de l’Intérieur cherche à se démarquer de la majorité. Quitte à agacer ses amis…

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin lors d'un atelier sur l'immigration et l'intégration à Chenevelles, près de Poitiers, 9 septembre 2023 - Photo Jean-Francois Fort / Hans Lucas

Sur la politique d’accueil des migrants, l’heure est à la… cacophonie ! Tendez l’oreille.

D’un côté, la voix forte et ferme du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin :

« La France n’accueillera pas de migrants venant de l’île italienne de Lampedusa », affirme le ministre au 20 heures de TF1, donnant le sentiment de vouloir fermer la porte à tout accueil de migrants sur le territoire français. Martial, non ? Après l’épisode du 27 août où il s’était permis de rassembler seul, à Tourcoing, ses partisans dans une posture d’indépendance politique peu appréciée en haut lieu, Gérald Darmanin apparaît cette fois encore comme celui qui défie Emmanuel Macron.

De l’autre, la réplique quasi immédiate sur France Inter de Stéphane Séjourné, patron de Renaissance, ex-En marche, mais toujours la voix du président :

« Pour ce qui est de l’asile, c’est la solidarité qui jouera. Gérald Darmanin parlait des migrants économiques, pas des demandeurs d’asile. À partir du moment où des migrants rentrent dans le parcours d’asile, qu’ils sont acceptés à l’asile, c’est le devoir de la France de les accueillir ». Fermez le ban. En quelques mots qui insistent sur la solidarité, Stéphane Séjourné soutient Emmanuel Macron qui s’oppose à son ministre de l’Intérieur sur le sujet hyper sensible du sort des migrants de Lampedusa.

Quelques jours plus tôt en effet, après une rencontre avec Giorgia Meloni, le Président de la République avait lui-même adopté une posture souple en déclarant que « nous avons un devoir de solidarité européenne » et en plaidant pour une approche « humanitaire » et solidaire avec l’Italie.

Quel obscur dessein pousse donc Gérald Darmanin à contredire ainsi son chef ? Quitte à se faire désavouer sur la place publique par ses amis politiques, deux fois en moins d’un mois !

En réalité, le ministre de l’Intérieur a deux objectifs. L’un est de se faire remarquer sur le sujet de l’immigration tant il est convaincu que c’est sur ce thème qu’il peut faire la différence. Estimant qu’il y a trop de migrants en France, la majorité des Français attend du gouvernement des mesures fortes pour y remédier. Darmanin veut donc leur montrer le visage de la fermeté alors même qu’il patine sur le projet de loi sur l’immigration dont il a la charge, coincé entre son aile gauche et son aile droite, à la recherche d’une introuvable majorité parlementaire.

L’autre objectif de Darmanin est de contrer Gabriel Attal devenu, pense-t-il, son plus dangereux rival pour la Présidentielle de 2027. En nommant ce dernier ministre de l’Éducation nationale, Emmanuel Macron a mis son poulain sur orbite.

Gabriel Attal a tiré le premier dès le premier jour de la rentrée scolaire. En proposant d’interdire l’abaya à l’école, il est aller chasser sur les terres de Gérald Darmanin, celles de l’immigration voire de la sécurité. Pas grand-chose à voir avec les difficultés de la rentrée dans les établissements scolaires, mais un joli coup de communication politique.

D’autant que depuis trois ans qu’il est Ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin ne réussit pas à endiguer en France ni le fléau de la drogue ni celui de l’insécurité. Deux problèmes qui, eux, ne se règlent pas d’un trait de plume réglementaire.

Face à un Gabriel Attal décidé à monter en puissance dans le sillage d’Emmanuel Macron,  Gérald Darmanin cherche donc à se démarquer. Sauf qu’à ce petit jeu, il risque de multiplier les faux pas. Et les recadrages.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique