Mike Johnson, le trumpiste qui a sauvé l’Ukraine

publié le 26/04/2024

Héros, martyr, opportuniste ou simplement pragmatique ? Le speaker républicain est l’homme-clé qui a permis le déblocage de l’aide à l’Ukraine.

Le président Mike Johnson, après que la Chambre des représentants a adopté des projets de loi, y compris l'aide à l'Ukraine et à Israël, sur la colline du Capitole à Washington, DC, le 20 avril 2024 - Photo Nathan Posner / ANADOLU

26 Octobre 2023 : l’heure de Mike Johnson a sonné, il devient speaker de la chambre basse américaine en lieu et place de Kevin McCarthy, jugé un mou et même un félon par le candidat Trump.

 Le « Freedom Caucus », groupe parlementaire des « ultras » trumpistes, manœuvre, évince McCarthy – une première dans l’Histoire du parlementarisme américain -, et impose Johnson. Le dispositif de campagne souhaité par le candidat exige des sicaires : à l’heure des experts succède celle des bons soldats. Or, c’est un sacré bon soldat, que ce Mike Johnson !

Qu’on en juge : l’élu de Louisiane, 52 ans, baptiste assidu, est partisan de la prière obligatoire à l’école et de l’entrisme religieux en politique. Spécialiste ès droit des affaires ultralibéral, climatosceptique, créationniste, anti-avortement, homophobe, violemment anti-immigration et lobbyiste industriel, il est un soutien inconditionnel de l’extrême-droite israélienne et s’oppose à la solution à deux États. Il n’a pas toujours craché sur le soutien financier russe à son parcours politique. Il a apporté un soutien juridique à Trump à l’occasion des procédures lancées à son encontre au Sénat en 2019 et 2020 et se proclame favorable, en janvier, au blocage parlementaire de l’aide à l’Ukraine.

Héros, martyr ou opportuniste ?

Comment comprendre, dès lors, son revirement du printemps, son ardente défense du déblocage de ces 61 milliards (auxquels s’ajoutent 34 milliards alloués à la défense de Taiwan et d’Israël) qui permettent à l’Ukraine de respirer ? Comment comprendre ce virage qui permet à l’apostat de faire figure de nouveau Churchill, d’ultraconservateur héraut des intérêts du camp des libertés, au point de se voir honni par les siens, l’ogresse Marjorie Taylor Greene en tête, qui promet de lui faire subir le sort de son prédécesseur au titre de sa « trahison » ?

Il y a à cette conversion, dont on ne sait si elle fait du speaker un héros, un martyr, un pragmatique ou un opportuniste, deux raisons principales : Johnson est baptiste et il écoute.

Le baptiste a entendu ses coreligionnaires lui dire la détresse des chrétiens d’Ukraine, persécutés par les troupes russes dans les oblasts annexés.

L’homme sait écouter et sentir le vent tourner

Mike Johnson a longuement pris langue avec les présidents des commissions du Congrès concernées par sécurité, diplomatie et défense. Il a écouté Christopher Wray, le patron du FBI, au travail sur l’ingérence russe chez les trumpistes. Il a consulté William Burns, le directeur de la CIA, qui l’a convaincu de la nécessité d’un endiguement de l’avancée russe soutenue par Pékin et Téhéran. Biden l’a souvent sollicité à propos du dossier ukrainien -et rassuré sur le soutien à Israël. Il a lu les sondages d’opinion chaque jour plus favorables au déblocage de l’aide et a, in fine, obtenu le visa d’un Trump prudent qui a, comme lui, senti le vent tourner.

Mike Johnson y a gagné les louanges personnelles de Zelensky et des dirigeants européens, mais aussi les menaces des MAGA qui braillent ce que leur chef, plus roué qu’eux, sent qu’il ne peut plus se permettre d’aboyer. Les ultras républicains, plus royalistes que leur roi, demandent à présent une démission qu’ils ne sauraient obtenir, franchissant une nouvelle étape sur leur parcours infamant.