Milan Kundera : l’écrivain universel
L’écrivain vient de mourir à 94 ans mais il nous laisse une œuvre considérable qui n’a pas pris une ride. Hommage
Combien sommes-nous à avoir pensé, chaque fois que nous lisions un livre de Milan Kundera, que nous en sortions plus intelligents, plus sensibles, plus armés pour affronter la vie et les hommes ? C’est la marque des très grands écrivains. Ce qu’ils nous font par la puissance du mot et de la pensée démontre, par ses effets tangibles, que l’imaginaire n’est pas en dehors de la vie réelle. Qu’à l’inverse, elle agit sur la réalité du monde !
Né en République tchécoslovaque à Brno le 1er avril 1929, formé à la musique, à la littérature et au cinéma, écrivain de l’universel, Milan Kundera a quitté son pays pour la France en 1975 dont il est devenu citoyen en 1981. Il y a un avant et un après cette date.
Adhérent au parti communiste dans son pays avant d’en être exclu en 1950, il commence à publier dans les années 60, de la poésie d’abord (qu’il reniera ensuite) et du théâtre. En 1968, c’est le magistral roman, « La Plaisanterie », suivi de « Risibles amours » et l’inoubliable « La Vie est ailleurs » (prix Médicis étranger), « La Valse aux adieux ». Milan Kundera c’est le cocktail rare d’un écrivain qui raconte le monde autant qu’il s’adresse à l’intime.
Par lui, nous avons mieux compris l’enfermement et la terreur des pays placés sous le joug de l’Union soviétique, la mélancolie des stations thermales, la douleur de l’exil, mais aussi la force de l’érotisme, la puissance de l’amour, la douleur de la trahison. Milan Kundera n’était jamais littéral, il a inventé une manière d’écrire au second degré qui n’appartenait qu’à lui, fait d’ironie, d’émotion, de dérision, du sens inné de l’absurde. C’était un grand esprit et un grand style. La distance qui faisait son élégance se traduisait à sa lecture par son exact inverse : il suscitait des émotions puissantes, et indélébiles.
« L’insoutenable légèreté de l’être », en 1984, marque sa consécration auprès d’un public toujours plus large. Il publie encore des essais, dont « L’Art du roman ». En 2003, un court récit, sublime, revient sur la condition existentielle de l’exilé. De son vivant, il reçoit les honneurs de la publication de son œuvre en deux volumes dans La Pléiade.
Il avait soutenu en 1988 Salman Rushdie et par là même l’indépendance de la fiction face à tous les pouvoirs et toutes les pressions. Il refusait de commenter le monde. Milan Kundera agissait par la littérature.
C’était un homme libre, un homme rare. Lui avait vieilli, il est mort à 94 ans, mais aucun de ses livres n’a pris une ride. Ses textes continueront à œuvrer.
Nous aurons toujours à apprendre de la lecture de Milan Kundera.