Mode d’emploi du travail à tout prix
Emmanuel Macron a promis que son deuxième quinquennat serait celui du plein emploi. A marche forcée et sans égard pour la casse sociale. Après l’assurance chômage et les retraites, voici venu le temps du RSA
Cela part d’une bonne intention, le plein emploi, objectif un taux de chômage limité à 5 % en 2027. Une prouesse pour la France habituée à figurer en queue du peloton européen. Elle est classée vingtième aujourd’hui avec 7,1 % de chômeurs quand l’Allemagne ou la Pologne sont à 3 %.
Le plein emploi est l’héritage que souhaite laisser Emmanuel Macron. Sa conviction : la valeur travail est le gage d’une vie plus digne et d’un pays plus prospère. France Travail sera l’étendard qui détrônera Pôle Emploi.
Pour y parvenir, deux réformes sont déjà actées : celle de l’assurance-chômage qui réduit le nombre de jours d’indemnisation et celle des retraites qui instaure l’âge légal à 64 ans. Chacune a son objectif : passer moins de temps au chômage avant le retour à l’emploi et rester plus de temps au travail quand on est devenu senior. Ces deux gros morceaux avalés, les Français croyaient pouvoir souffler.
Or, l’encre des décrets d’application de la réforme des retraites à peine séchée, le gouvernement lance le prochain chantier. Celui du RSA qui ne devra plus être automatique, mais accordé en échange d’un minimum d’heures d’activité. La négation de son essence même qui est de « garantir un montant minimal de ressources aux personnes sans activité ».
D’une réforme l’autre, les ministres sont envoyés au front pour obtenir le passage en force vers le plein emploi. Ne reste qu’à retirer du projet de loi Darmanin sur l’immigration le volet sur la régularisation des sans-papiers dans les métiers sous tension – afin de les réserver aux seuls travailleurs français-pour que le tableau soit complet.
Tous au travail, vous dit-on ! Anciens chômeurs, retraités, sans activité, debout ! Ne voyez-vous pas que la France compte 350 800 emplois vacants dans le BTP ou la restauration ?
Sauf que le RSA compte en France 2 millions de bénéficiaires, pas tous vaillants et capables de faire n’importe quel métier. Ce nouveau projet va de nouveau crisper une France déjà largement fracturée par la réforme des retraites.
Le Parti socialiste, réuni en bureau national, a dégainé le premier. « Le gouvernement poursuit une politique de casse sociale et fait du “pauvre” la figure du paresseux profiteur, bouc émissaire si facile de tous les maux de la société »
Voilà bien le sujet. S’il y a autant d’emplois vacants, c’est bien parce que pas grand monde n’a envie de les occuper. Peu attractifs, à temps partiel, mal rémunérés, fractionnés parfois même dangereux, ces emplois en question ont besoin d’être revalorisés. Trop longtemps, certains employeurs ont abusé de cadences trop denses et de petits boulots sous-payés.
La réalité, c’est qu’avec… 3 000 milliards de dettes, Emmanuel Macron n’a plus le choix. Il lui faut une croissance soutenue par plus de travail, donc plus de revenus et de richesse pour le pays, sinon ce serait par l’impôt qu’il faudrait les rembourser.
D’ailleurs, sa stratégie semble fonctionner : 92 400 emplois ont été créés depuis le début de l’année 2023. En trois ans, les effectifs dans le pays ont augmenté de 5 %.
Mais le prix à payer est élevé. Moins de salariés, plus d’entrepreneurs ; moins de CDI, plus de travail précaire ; moins de temps plein, plus de temps partiel… nous sommes en train d’assister au changement de toute l’organisation du travail en France.
Ainsi, un tiers des créations d’emplois résulte-t-elles de l’alternance ou de l’apprentissage.
Nous serions, paraît-il, au pic de la dynamique. Mais le gouvernement ne veut pas y croire. Tant le pari du deuxième quinquennat repose sur le travail . À tout prix. Quitte à casser le consensus social du pays.