Montpellier : le forum réussi de la gauche réformiste

par Laurent Joffrin |  publié le 04/06/2023

Nicolas Mayer-Rossignol a réuni son courant, Refondation, ce week-end à Montpellier. Pour ouvrir la voie à une gauche de raison, dégagée des outrances de la Nupes

La gauche réformiste s’organise. Enfin. Dans une salle pleine, chaleureuse, les amis de Nicolas Mayer-Rossignol, chef de file du courant Refondation, principale minorité au sein du PS, se sont réunis ce week-end à Montpellier pour réfléchir, débattre, vérifier leur accord pour chercher ensemble les voies d’une gauche républicaine dégagée de l’emprise LFI.

Un jalon dans la longue marche des réformistes : début mai, le Lab de la Social-démocratie avait tenu un colloque consacré aux grandes crises françaises. Samedi prochain 10 juin, Bernard Cazeneuve rassemble à Créteil les adhérents de la Convention, le mouvement qu’il a lancé pour la reconstruction d’une gauche républicaine et sociale. Hélène Geoffroy, cheffe de file de l’autre minorité du PS, réunira les siens début juillet, puis Stéphane Le Foll ou encore François Rebsamen.

Initiatives séparées ? Certes, mais toujours les représentants de ces cinquante nuances de rose ont soin de participer aux réunions des autres, en personne ou sous la forme de messages amicaux. Diversité dans l’union, union dans la diversité… Pour une raison simple : la question dite « de l’incarnation », n’est pas tranchée.

Qui sera candidat ? Impossible de le savoir quatre ans avant l’échéance, même si certains prennent une option, tel Bernard Cazeneuve. En attendant, clubs, think tanks, associations, mouvements et courants travaillent, considérant que l’urgence se situe dans la recherche des idées, avant de trouver la femme ou l’homme idoine…

Ainsi se sont retrouvés à Montpellier Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, Benoît Hamon, ancien ministre et candidat à la présidentielle, Anne Hidalgo, ou encore Hélène Geoffroy, Patrick Kanner, patron des sénateurs socialistes, tandis que Bernard Cazeneuve, Raphaël Glücksmann, député européen, ou Valérie Rabaut, cheffe du groupe socialiste à l’Assemblée, s’exprimaient par vidéo interposée, tous accueillis par Nicolas Mayer-Rossignol et Michaël Delafosse, maire de Montpellier.

Pour dire quoi ? Que le courant réformiste doit s’émanciper de la Nupes, que la domination de Jean-Luc Mélenchon sur la gauche la mène à la défaite, qu’entre Macron et LFI, s’étend un vaste espace politique qui doit se manifester par une autre union de la gauche, qui ne soit pas une simple vassalisation sous la férule insoumise.

Et sur le fond ? Montrer qu’entre écologie réaliste, souci de transformation sociale par étapes, politique européenne rénovée, laïcité et mise en œuvre concrète des valeurs républicaines, les bases d’un nouveau projet pour le pays existent.

Prochaine échéance politique : les élections européennes. Depuis des semaines, LFI tympanise le reste de la Nupes en plaidant avec une agressive insistance pour une liste unique.

Mais pour les participants de Montpellier, dont l’auteur de ce compte-rendu, il ne saurait être question de se retrouver sur la même liste que des candidats qui prônent la désobéissance aux traités européens, qui veulent sortir de l’OTAN en pleine guerre d’Ukraine, qui affichent d’emblée leur méfiance envers l’Union, jusqu’à estimer, comme Manon Aubry, eurodéputée, que le drapeau européen renvoie à une « forfaiture démocratique ».

Funeste division pour la gauche aux européennes ? En aucune manière : tous les sondages montrent que, dans ce scrutin à la proportionnelle, à un seul tour, des listes séparées obtiendront un nombre de députés plus grand qu’une liste unique.

Or l’enjeu est là : face à la montée des extrêmes-droites en Europe et à la tentation immobiliste du premier parti au Parlement, le PPE, conservateur, il faut envoyer à Strasbourg le plus grand nombre d’élus de gauche possible. L’insistance de LFI ne tient qu’à une chose : dans un scrutin à plusieurs listes, l’influence des Insoumis sera ramenée à sa réalité politique, autour de 10%, ce qui jettera les bases d’un rééquilibrage général de la gauche, cauchemar de Jean-Luc Mélenchon.


Il s’agit d’une élection européenne, dont l’influence sur le scrutin présidentiel trois ans plus tard sera quasi nul. Sauf sur un point : permettre la recomposition de la gauche, en donnant à chacune de ses composantes la représentation qui correspond à son influence dans la société.

Faute de quoi le pandémonium de la gauche populiste continuera d’occuper le tapis, pour le plus grand profit de Marine Le Pen.

Laurent Joffrin