Mort de Raïssi : silence dans le monde arabe…

par Malik Henni |  publié le 24/05/2024

Les grands médias arabes, à la parole surveillée, font le service minimum

Un journal avec une photo de feu le président iranien Ebrahim Raisi, Iran le 20 mai 2024. Majid Asgaripour/WANA

Du jordanien Ad-Dustour au saoudien Al-Watan, en passant par son homophone algérien, le lecteur ne trouvera qu’un récit factuel de l’accident d’hélicoptère et des journées de deuil en Iran. Tout au plus lira-t-on qu’« au cours d’une conférence de presse commune [avec le président azerbaïdjanais], il a de nouveau apporté son soutien au Hamas face à Israël. »

Il serait donc vain de chercher toute analyse de fond dans les grands médias arabes. L’absence de liberté d’expression réduit à sa plus simple expression les articles consacrés à l’évènement et à ses suites politiques. Chez les alliés de longue date de l’Iran, l’heure est à la peine.

Le voisin pakistanais n’a pas manqué d’adresser ses condoléances : The International News, journal de référence des élites d’Islamabad, relaye avec intérêt les déclarations d’amitié de son Premier ministre Shehbaz Sharif. Le chef du Hamas Ismail Haniyeh s’est également présenté à la cérémonie d’hommage et a salué le soutien du défunt à la cause palestinienne.

Les chinois Global Times et South China Morning Post en font des caisses et dédient deux longs articles à la recension de l’ensemble des condoléances exprimées par les dirigeants du monde.

Le décès prématuré de Raïssi relance cependant les spéculations sur le successeur du Guide Suprême : Ali Khamenei est âgé de 85 ans. « La mort inattendue de M. Raisi peut entraîner une vacance temporaire du poste de successeur du guide suprême de l’Iran et provoquer des remous dans la structure interne du pouvoir, mais la structure politique du pays peut encore assurer le fonctionnement normal du pays malgré l’incident, l’empêchant ainsi de sombrer dans le chaos. »

 Même analyse chez le japonais Japan Times : le fils de Khamenei, Mojtaba, une personnalité peu connue du grand public, pourrait lui succéder car « les cartes ont été redistribuées ». Mais les tendances structurelles de la diplomatie des mollahs resteront inchangées : le rapprochement avec Pékin et Moscou « a été maintenue depuis plusieurs administrations et s’aligne sur les intérêts à long terme de l’Iran ».

Un autre article du Global Times, quotidien chinois communiste, sent bon le complotisme : « l’Iran continue de perdre des dirigeants politiques et militaires dans des circonstances anormales, certains médias occidentaux se réjouissant de son infortune. »

Le russe Moskovski Komsomolets, très populairequotidien moscovite à sensation, donne du crédit à la thèse d’un célèbre vétéran de l’armée de l’air sur Telegram : il ne croit pas à la version officielle, à savoir un dysfonctionnement de l’appareil. De plus, la coïncidence temporelle avec la tentative d’assassinat du Premier ministre Robert Fico lui paraît trop gros : « Ce sont tous nos amis, et seuls nos amis sont assassinés. Et nos non-amis ne sont pas assassinés. Il s’agit peut-être de coïncidences, mais les coïncidences sont suggestives ».

Malik Henni