Moscou : mort d’un héros
Dans la presse de Norvège, Suède, Argentine, Grèce, Malaisie et d’Inde…
La mort du leader de l’opposition russe dans des circonstances troubles a provoqué des réactions indignées. L’écrivain russe Mikhaïl Chichkine, qui vit depuis 2003 en Suisse et critique vertement le dictateur russe, lui livre un hommage émouvant dans les pages du quotidien norvégien conservateur Afenposten. : « Si Alexeï avait su ce qui se passerait après son emprisonnement, que l’opposition perdrait complètement, que le régime déclencherait une guerre abominable contre l’Ukraine et que la majorité de la population soutiendrait ces abominations… serait-il retourné en Russie pour aller en prison et se laisser tuer ? Je ne sais pas. Mais je me demande si la réponse pourrait être oui. Parce qu’il y a eu et il y aura toujours des gens pour qui certaines choses sont plus importantes que la vie. »
La question de savoir si le maître du Kremlin a ou non commandité un assassinat à quelques semaines du scrutin présidentiel ne se pose pas. Pour le quotidien libéral argentin La Nacion, « La mort de Navalny semble être un message adressé à quiconque cherche à affronter l’autocratie imposée par Poutine. »
Un éditorialiste du New Straits Times, très proche du gouvernement de Kuala Lumpur (Malaisie), associe la mort de l’opposant aux récentes victoires du dictateur : « La ville d’Avdiivka, dans l’est de l’Ukraine, est tombée aux mains des troupes de Moscou, le chef de l’opposition russe Alexei Navalny est mort et l’aide militaire des États-Unis à Kiev s’amenuise. L’ambiance dans les capitales occidentales est de plus en plus morose, tandis que le dirigeant russe Vladimir Poutine savoure ses victoires alors que l’invasion de l’Ukraine par le Kremlin entre dans sa troisième année. »
Le destin des soutiens de Navalny, emprisonnés ou exilés, illustre pour The Hindu le verrouillage de la vie politique russe. Le quotidien indien de centre-gauche affirme : « L’État ne veut pas de voix critiques ou de protestations organisées. Il a peut-être établi l’ordre par la peur jusqu’à présent, mais l’histoire de la Russie suggère qu’il ne s’agit pas d’un modèle de gouvernance durable. »
Le romancier grec Takis Théodoropoulos utilise son billet mensuel dans le quotidien conservateur I Kathimeriní pour proposer un parallèle historique : « La grande différence entre le totalitarisme postmoderne et le totalitarisme traditionnel est qu’il démontre sa puissance. L’Union soviétique cachait ses victimes. Le régime de Poutine les exhibe… »
Même son de cloche dans les pages du précité Aftenposten : « Aujourd’hui, Navalny montre également que l’Union soviétique poststalinienne traitait les dissidents [Sakharov, Soljenitsyne] avec plus d’humanité que ce n’est le cas dans la Russie d’aujourd’hui. »
La politologue spécialiste de la Russie Carolina Vendil Pallin dresse dans le quotidien suédois de référence DagensNyheter une conclusion qui reste dans l’expectative : si la mort de Navalny n’est pas celle de l’opposition, « le prochain leader pourrait tout aussi bien être quelqu’un « qui n’est pas encore sur notre radar » ».
Malik Henni