Musulmans contre l’islamisme

par LeJournal |  publié le 21/10/2023

De trop rares articles de presse rappellent une réalité plutôt banale: la grande majorité des Français musulmans récusent l’intégrisme et la violence

Un habitant d'Arras assiste à la cérémonie funéraire de l'enseignant Dominique Bernard, retransmise sur un écran géant sur la façade de l'hôtel de ville, dans le nord de la France, le 19 octobre 2023.- Photo FRANCOIS LO PRESTI / AFP

Le Figaro est un journal de droite, certes, mais il fait des reportages et ces reportages sont le plus souvent honnêtes. Ainsi de celui qui décrit les réactions de la communauté musulmane d’Arras après l’assassinat du professeur Dominique Bernard et qui mérite d’être lu. Première constatation : Mohammed Mogouchkov ne fréquentait aucune des trois mosquées de la ville. Sa radicalisation découle de son environnement familial et de sa fréquentation des réseaux sociaux (dont il faut une nouvelle fois souligner l’écrasante responsabilité).

Deuxième remarque : les réactions recueillies par Élisabeth Pierson, la journaliste du quotidien, font toutes état d’une condamnation sans appel de l’acte terroriste. Une fidèle interrogée se félicite de la présence des représentants de l’islam local à la cérémonie d’hommage au professeur.  « Nous les musulmans, on paye les pots cassés », déplore un certain Omar Chabai. « Ça nous met dans une situation très délicate alors qu’on n’a rien fait ».

Telle autre a partagé sur Face book le communiqué de la Grande Mosquée d’Arras qui taxait « d’ignoble et d’odieux » l’attentat et exprimait sa solidarité avec les familles des victimes. Un autre fidèle, à la barbe blanche et coiffé de sa chéchia (mal intégré, donc, selon les critères de l’extrême-droite), se contente de brandir sa carte d’ancien combattant sous le drapeau français. Lundi soir déjà, les responsables musulmans ont participé à une veillée de prière multiconfessionnelle dans la cathédrale, en mémoire de Dominique Bernard et pour la paix, etc.

Il y a quelques jours, un autre reportage, dans Le Monde cette fois, nous apprenait que les imams de la région de Bordeaux, tel Tarek Oubrou, imam de la Grande Mosquée de Bordeaux, condamnaient sans hésitation l’assassinat, l’intégrisme et la violence terroriste. « À chaque fois que le nom de Dieu est invoqué dans la violence, déclarait Oubrou, nous devons répondre. Il faut qu’une parole religieuse soit prononcée pour condamner. Autrement, ce sera compris comme une approbation. »

Et de déplorer que l’enseignement de l’islam passe trop souvent par les réseaux sociaux (encore eux) et non par la transmission orale au sein des mosquées (sauf quand elles sont elles-mêmes islamistes, ce qui arrive et mérite réaction).  

Pour Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman (CFCM) et de l’Union des mosquées de France à laquelle sont affiliés près d’un millier de lieux de culte, la condamnation des actes terroristes se fait d’abord au nom de la citoyenneté française. « Nous condamnons un attentat, quels qu’en soient les motifs ou la religion de l’assaillant », dit-il.

Son organisation s’est d’ailleurs jointe à la grande mosquée de Paris, au grand rabbin de France Haïm Korsia, ainsi qu’aux autres cultes qui s’inquiètent et se désolent des « actions de mort menées par le Hamas depuis la bande de Gaza et les réactions qu’elles entraînent en Israël et dans la bande de Gaza ». Ces réactions, réitérées à chaque attentat islamiste, ne surprendront pas ceux qui suivent un tant soit peu les affaires religieuses en France. La grande majorité des Français musulmans condamne les attentats et pratique un islam pacifique : telle est la réalité française.

Une réalité plutôt banale, qu’on est un peu gêné de devoir souligner, tant elle va de soi. Mais une réalité que nombre de médias et de responsables politiques occultent soigneusement. Ainsi quand on fustige « l’immigration » en général à longueur de débats télévisés (et pas seulement sur CNews) on met évidemment dans le même sac les terroristes et l’ensemble des musulmans issus de l’immigration.

Ainsi quand Éric Zemmour, exprimant une vue commune à l’’extrême-droite française, refuse de distinguer islam et islamisme, arguant que le Coran préconise de « tuer les infidèles », il place sous la même étiquette ceux qui interprètent au pied de la lettre certaines sourates (la minorité islamiste) et ceux qui en donnent une version dégagée de toute violence (la grande majorité des musulmans). 

Conception injuste, mais aussi imbécile. Le combat contre l’islamisme est un combat culturel et politique. Le stratège le plus simpliste comprend que dans cette lutte à l’échelle mondiale, il est bon d’avoir de son côté les musulmans adeptes d’un culte tranquille et non violent, plutôt que de les pousser par une sommaire assimilation dans le camp intégriste.

Cet amalgame sert précisément l’un des buts de l’islam politique : faire des militants islamistes les seuls représentants de l’islam. Mais la xénophobie a cette caractéristique : elle rétrécit le cerveau de ceux qui la pratiquent.

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