« Napoléon » d’Abel Gance: le chef-d’œuvre ressuscité

par Jérôme Clément |  publié le 30/06/2024

Après plus de 12 ans de travail acharné, la version originale de sept heures du film mythique est enfin dévoilée.

napoleon 1927 - Réalisateur Abel Gance - Albert Dieudonné - Collection ChristopheL © Ciné France Films

Qui pensait que Napoléon pourrait nous faire rêver à nouveau ? Abel Gance réussit ce miracle. La restauration de ce chef-d’œuvre du cinéma muet a pris plus de 12 ans. Il a fallu récupérer 22 versions, ou morceaux de films, égarés dans les cinémathèques ou les archives du film. Des années de travail, d’obstination, de passion, pour aboutir à une œuvre proche de celle qu’avait voulu réaliser Abel Gance.

À l’origine, il y a l’idée de réaliser sept films sur Napoléon. Entreprise gigantesque dont un seul film peut être mené à son terme, faute de moyens et de temps. Le titre Napoléon est d’ailleurs usurpé, puisque la version de sept heures – le premier des sept – se déroule de l’enfance de Bonaparte, à l’école de Brienne, jusqu’à la campagne d’Italie. Presque chacun de nous en a entendu parler et a vu une version ou une partie de celle-ci. Mais c’est l’ampleur du travail, l’épopée extraordinaire de Bonaparte, mais aussi de celui qui a voulu en faire un chef-d’œuvre, Abel Gance, inventeur génial de poésie cinématographique et d’épopée fantastique qui participe de ce fait au XXe siècle, à l’écriture de la geste napoléonienne, comme Victor Hugo l’avait fait au 19e siècle.

On découvre des passages quasiment inédits, comme cette extraordinaire fuite en bateau en Corse, après les combats contre Paoli, Bonaparte luttant contre une mer déchaînée, image juxtaposée avec celle de la tempête qui secoue la Convention Nationale au même moment, avant la chute de Robespierre. On dit de ce film qu’il est l’un des 3 grands chefs-d’œuvre du cinéma muet avec ´Metropolis’ de Fritz Lang et ´Naissance d’une Nation ´de Griffith. Sans doute a-t-on oublié également que Gance fut envoyé à Pékin, par De Gaulle, après la reconnaissance de la Chine populaire par la France en 1964.

Il s’agissait d’aider les Chinois à construire une industrie cinématographique. Gance fut reçu avec les plus grands honneurs par Mao Tse-Toung et Chou En-Lai. Et le projet fut conçu de diffuser le film Napoléon sur grand écran place Tian’anmen. La Révolution culturelle en 1966 mit fin au projet.

On pourrait faire un film sur Abel Gance et l’histoire de cette restauration. Pour l’instant, contentons-nous d’aller voir cette œuvre restaurée dans son intégralité, soit à la Cinémathèque, pendant les week-ends de juillet, soit dans les circuits de Pathé qui a contribué à financer la restauration avec des mécènes privés. Beau résultat.

Jérôme Clément

Editorialiste culture