Netanyahou en prison ?
A priori, mettre sur le même plan Israël et le Hamas, , comme le fait le procureur de la Cour Pénale Internationale, paraît aberrant. Mais…
Tous crient au scandale, Joe Biden, les gouvernements allemand ou britannique, sans parler des dirigeants israéliens : le procureur de la Cour Pénale internationale (CPI), Karim Khan, vient de demander la délivrance d’un mandat d’arrêt international à l’encontre de Benyamin Netanyahou, de son ministre de la Défense, Yoav Gallant, ainsi que des trois principaux dirigeants du Hamas. L’annonce de la CPI a suscité une levée de boucliers en Israël, au sein du Hamas, mais aussi la protestation de plusieurs gouvernements, dont celui des États-Unis.
A priori, les arguments des défenseurs d’Israël semblent solides, pour ne pas dire évidents. La CPI donne le sentiment de mettre sur le même plan deux protagonistes essentiellement différents : d’un côté une démocratie, certes imparfaite, comme beaucoup d’autres, mais où les libertés essentielles sont respectées, où l’on vote librement et où règne l’état de droit, imposé par des tribunaux indépendants ; de l’autre un groupe terroriste obscurantiste et barbare, qui dirige d’une main de fer l’enclave de Gaza, réprime les opposants sans pitié et emploie régulièrement des moyens d’une dernière cruauté pour faire avancer sa cause.
Mais dès qu’on examine le communiqué de la CPI, la nuance apparaît. La Cour, en effet, ne juge pas des régimes politiques en présence et se garde donc de les confondre. Elle s’attache à qualifier, non tel ou tel système, mais les actions concrètes menées à Gaza depuis le 7 octobre. Pour ce faire, elle a confié à son procureur Karim Khan le soin de préparer la décision par un dossier d’accusation. Ce procureur est-il de parti pris ? Difficile à démontrer. Juriste britannique respecté, celui-ci a dénoncé par le passé, entre autres réquisitions, le génocide des Yézidis perpétré par l’État islamique. Il a proposé de lancer un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine à la suite des exactions russes en Ukraine. En visite au sud de Gaza, il avait aussi condamné avec force la détention d’otages par le Hamas. Enfin, examinant le déroulement de la guerre de Gaza, il a très logiquement stigmatisé l’attaque du 7 octobre, massacre délibéré que quelque 1 700 innocents assorti de viols, d’actes barbares et de prises d’otages, et il a demandé l’arrestation de ses principaux responsables.
Dirigeants
On lui reproche donc d’avoir joint à sa demande de mandat d’arrêt les deux principaux dirigeants israéliens, dont le Premier ministre. Injustice flagrante ? Voire. Depuis le début de la guerre, l’armée israélienne a tué un nombre considérable de civils (le chiffre est controversé, mais l’ordre de grandeur n’est pas douteux). Elle a aussi ralenti volontairement l’acheminement de l’aide humanitaire et imposé le déplacement forcé de centaines de milliers de personnes. Or il se trouve que ces actions, quelle que soit leur motivation, sont clairement prohibées par les lois internationales qui traitent des conflits armés.
On l’a écrit plusieurs fois dans cette lettre : Israël a évidemment le droit de se défendre et toute intervention à Gaza devait nécessairement entraîner la mort de civils palestiniens. Mais plusieurs questions se posent : l’armée a-t-elle pris toutes les précautions nécessaires pour limiter ce qu’il est convenu d’appeler les « dommages collatéraux ». A-t-elle veillé, autant que possible, au ravitaillement de la population ? A-t-elle ou non contraint les Gazaouis à des exodes illégaux ? Quiconque observe les opérations avec un œil non-partisan sait bien que, souvent, la réponse à ces questions n’est pas favorable à Israël. La destruction de la ville, la fuite massive de la population dans des zones supposées plus sûres, mais bientôt bombardées, le nombre des femmes et des enfants tués, la famine qui menace de se déclarer faute d’aide humanitaire, tout cela ne pouvait pas susciter l’indulgence de la CPI. D’autant que l’ONU, l’Europe et même les États-Unis réclament hautement la fin des combats et l’ouverture de négociations.
Autrement dit, le gouvernement Netanyahou ayant choisi la manière forte, tout en refusant d’écouter les juristes, les humanitaires, et même ses alliés, ne doit pas s’étonner de voir les instances internationales prendre des décisions qui lui déplaisent. Sont-elles fondées en droit ? Le procureur le pense, mais c’est à une instance collective au sein de la Cour d’en décider, qu’il sera difficile de qualifier de partisane. Si elle suit son procureur, Israël ne devra pas s’en étonner. On ne peut à la fois s’asseoir sur la législation internationale et s’indigner de la réaction des tribunaux chargés de la faire respecter.