Netanyahou mystique
Le Premier ministre israélien invoque la Bible et dénonce l’axe du mal, comme l’avait fait George Bush après le 11 septembre. Il masque surtout ses fautes, son absence de plan et son manque de vision.
Est-ce rassurant ? Benyamin Netanyahou a pris ce week-end des accents messianiques pour justifier la lutte d’Israël contre le Hamas terroriste. « Ils sont le peuple des ténèbres, et la lumière triomphe des ténèbres », a-t-il proclamé, pour promettre ensuite de « réaliser la prophétie d’Isaïe » : « Il n’y aura plus de voleurs dans vos frontières et vos portes seront glorieuses ».
Tout dirigeant, en période de guerre, s’adresse à son peuple en exaltant ses idéaux, ses racines lointaines, ses valeurs les plus ancrées, pour légitimer les sacrifices qu’il lui demande. Pourtant une inquiétude se fait jour : la mystique fait-elle une politique ? Dans ce combat sacré, biblique, où est la place de la réflexion, des objectifs concrets, de l’état nouveau des choses qu’on veut instaurer ? Ou bien cette rhétorique servirait-elle surtout, en l’occurrence, à masquer les responsabilités présentes et la vacuité du plan futur.
Ces responsabilités présentes sont patentes : une politique fondée sur l’effacement du problème palestinien, qui ressurgit dans la pire cruauté ; le refus de recevoir les familles d’otages pendant trois semaines,ce qu’elles fustigent à tous les micros des télévisions israéliennes ; une imprévoyance coupable qui a conduit le Premier ministre à ignorer les avertissements de ses propres services de sécurité. Pire, la tentative de rejeter sur eux la faute en les désignant nommément à la vindicte de l’opinion. Le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, l’a rappelé avec éclat : « Netanyahou a franchi une ligne rouge. Alors que les soldats et les commandants de Tsahal se battent vaillamment contre le Hamas et le Hezbollah, il tente de les blâmer au lieu de les soutenir. Les tentatives d’échapper à la responsabilité et de rejeter la faute sur l’establishment de la sécurité affaiblissent Tsahal alors qu’il combat les ennemis d’Israël. Benyamin Netanyahou doit s’excuser pour ses propos. »
La fuite en avant dans la mystique obère l’avenir. Détruire le Hamas ? Cela se comprend. Mais quel est le plan pour « le jour d’après » ? Traquer les terroristes, annihiler leurs bases, cibler leurs chefs, c’est ce qui commence avec l’invasion partielle de Gaza. Mais qu’en faire ensuite ? Irrésistiblement on repense aux impasses qui ont piégé les forces américaines lancées dans des représailles apocalyptiques en Afghanistan et en Irak après le 11 septembre, lesquelles n’ont su que faire de leur victoire militaire dans le chaos qu’elles avaient causé. Les « forces de la lumière » triompheront, on peut l’escompter. Mais comment éviter de replonger dans les ténèbres ?