Netanyahou : l’aveuglement
L’offensive terroriste du Hamas a pris Israel au dépourvu. Une nouvelle guerre du Kippour que Netanyahou n’a pas vu venir. Et que sa politique de force n’a pas su prévenir
6 h 30 : Un bulldozer fonce sur la barrière frontalière habituellement infranchissable qui sépare la bande de Gaza du territoire israélien. Des tirs partent de différents endroits côté palestinien. Des roquettes – il y en aura plus de 5 000 – partent dans le ciel en direction des villes du Sud et jusqu’à Tel-Aviv à une soixantaine de kilomètres au Nord. Quasiment dans le même temps, des motos chargées d’une soixantaine de commandos en armes du Hamas et quelques blindés pénètrent par la route. Et, venus du ciel, des drones bombardent et des ULM artisanaux se posent en Israël. L’attaque, d’envergure, est sans précédent. Par deux fois, les sirènes retentissent à Jérusalem. Souvenir des jours sombres.
Nous sommes au lendemain d’une fête juive, la plus grande, celle du Yom Kippour, où toutes les villes du pays paraissent désertes. Il y a 50 ans, la guerre du Kippour éclatait, prenant Israël totalement par surprise.
Premier constat : une fois encore, à un demi-siècle de distance, Israël a été pris totalement au dépourvu. À Tel-Aviv, c’est la stupeur. Que sont devenus les célèbres services de renseignements hébreux ? Comment personne n’a rien vu venir ? Plus de collabos à Gaza ? L’échec est sidérant. Énorme camouflet. Même à Gaza, les habitants ne savaient pas. Le Hamas a préparé son opération multiforme façon Hezbollah, dans un secret absolu.
9 h : « Nous sommes en état de guerre », déclare, face caméra, le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant, furieux, qui cache mal sa colère. La guerre ? En réalité, elle n’a jamais cessé.
La dernière bataille date de mai dernier. Tsahal avait lancé une offensive sur Gaza contre le Jihad Islamique. Roquettes contre raids aériens. Bilan : 34 morts palestiniens, une Israélienne tuée. Le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007, n’avait pas bronché.
Côté Hamas, on qualifie cette offensive « Déluge Al-Aqsa ». Israël répond en lançant son opération « Épées de fer ». Derrière cette habituelle et pompeuse rhétorique guerrière se cache une double réalité. L’action du Hamas est une opération terroriste. Vingt et un lieux d’affrontements, 700 morts israéliens et 2 048 blessés, selon l’état hébreu, et des dizaines de soldats de Tsahal dont des officiers et de civils prisonniers – 100 affirme le Hamas- pris en otages et emmenés à Gaza.
Les roquettes frappent Sderot, Rehovot, Ashkelon, Kiryat Gad, Beer-Sheva, mais aussi Jérusalem. L’une d’elles tombe sur un immeuble d’habitation au centre de Tel-Aviv. Des militaires et beaucoup de civils sont tués, blessés. Inacceptable.
Bien sûr, le Hamas proclame que sa « campagne héroïque vise à défendre la mosquée Al-Aqsa ( à Jérusalem), les lieux saints et les prisonniers palestiniens » dont certains sont détenus sans jugement depuis des années. Le Hezbollah pro-iranien au Liban a applaudi « cette opération héroïque à grande échelle ». Et l’Iran s’est empressé de saluer cette « fière » offensive. L’Iran qui mène – la journée d’hier le confirme – une « guerre par procuration » contre Israël. Et après ? La suite n’a rien d’étonnant.
9 h 52 : Des douzaines d’avions de combat israéliens frappent la bande de Gaza. Des immeubles s’écroulent. Plus de 370 morts et 2 200 autres blessés. Diffusée par le ministère de la Défense, une vidéo en arabe a promis : « Le Hamas a ouvert les portes de l’enfer à Gaza ». La force contre la force ! Israel fait corps, même les opposants. Le peuple de droite israélien en redemande. Et c’est là que le bât blesse.
Rabin et Arafat ont tenté une solution pacifique pour deux états, au grand désespoir des extrémistes. Rabin a été assassiné, Arafat n’est plus. Face aux Palestiniens ne reste que Netanyahou, qui a claqué toutes les portes d’une possible négociation. D’année en année, son gouvernement s’est durci, truffé d’extrême-droite et de sionistes religieux. L’Autorité Palestinienne de Mahmoud Abbas, miné par la corruption et le manque de progrès politique, a perdu toute confiance chez les Palestiniens. Dans Gaza, transformée en une immense prison à ciel ouvert, les extrémistes palestiniens ont fait leur pain du désespoir et de la misère.
À chaque attaque terroriste, Israël n’oppose qu’une seule réponse : plus de force. Et elle en possède à revendre.
Alors, à quoi bon cette offensive ? Provoquer une nouvelle Intifada ? Mohammad Deif, commandant militaire du Hamas, a appelé le peuple à la révolte, à descendre combattre dans la rue et les pays arabes à venir à leur secours. Les pays arabes ne répondront sans doute pas. Et les Palestiniens qui s’attaqueront aux soldats, aux civils et aux colons, se feront massacrer. Du sang, toujours plus de sang.
Peu importe ! Pour le Hamas, la « victoire » sera d’avoir surpris, frappé et humilié Israël en cette date mémorable du Kippour. Et de montrer qu’il est le « bras armé du peuple ». Logique de guerre permanente, sans volonté, de part et d’autre, d’arriver à une solution pacifique. Alors que les Israéliens de gauche et les observateurs internationaux savent que, dans ce pays ensanglanté, la force ne peut provoquer que plus de force. Et qu’il faudra bien un jour, écarter les extrémistes pour reprendre la discussion là où on l’a laissé, il y a… 30 ans.
19 h 10 : Israël coupe l’électricité à Gaza. Il n’y aura pas de négociations. Retour de l’obscurité.