Neuf sages sauveront-ils Marine Le Pen ?

par Sylvie Pierre-Brossolette |  publié le 16/03/2025

Le 18 mars, le Conseil constitutionnel examinera une question prioritaire de constitutionnalité. Elle pourrait annuler la menace pesant sur la candidature de la cheffe du RN à la présidentielle.

L'entrée principale du Conseil constitutionnel, rue de Montpensier, dans le 1er arrondissement de Paris, le 19 avril 2024. (Photo d'Andrea Savorani Neri / NurPhoto via AFP)

Être ou ne pas être candidate… Dans le procès sur les assistants européens du Rassemblement national, les magistrats doivent se prononcer le 31 mars prochain. Le parquet a demandé une peine d’inéligibilité assortie d’une exécution provisoire pour Marine Le Pen, ce qui l’empêcherait de se présenter en 2027. Une préconisation que les magistrats du siège ont le choix de suivre ou d’ignorer, avec une lourde responsabilité à la clé : éliminer ou non la candidate du RN de l’élection suprême.

Or un élément nouveau pourrait peser lourd dans la balance de la justice. Condamné à une peine d’application immédiate, un élu mahorais a déposé le 27 décembre dernier une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur cette exécution provisoire. En prévoyant cette disposition, qui sanctionne beaucoup d’élus, le code pénal méconnaît-il les principes constitutionnels ? C’est ce que pensent certains juristes : les sages de la rue de Montpensier devront trancher, instaurant une jurisprudence qui s’appliquerait aussi à Marine Le Pen.

Présidé par le tout nouveau membre Richard Ferrand, dont la légitimité est contestée en raison d’une désignation permise par l’abstention de l’extrême droite, le collège devra à la fois dire le droit dans une affaire juridique compliquée et se préserver des accusations de partialité. Celle-ci ne manquera pas d’être mise en cause quel que soit le verdict : s’il est favorable à Marine le Pen, Richard Ferrand sera soupçonné d’avoir pesé en ce sens pour lui renvoyer l’ascenseur ; s’il est défavorable, le RN hurlera à l’assassinat politique.

Sur le fond, le dossier est discutable. Certains spécialistes estiment que les sages se sont en réalité déjà prononcés au détour de décisions précédentes. L’exécution provisoire avait été écartée en raison de l’absence de décision définitive de la justice, autrement dit sans procédure d’appel. Priver un élu de ses droits serait assez grave pour que le principe du double degré de juridiction soit appliqué sans exception.

C’est ce qui est en jeu dans le cas de Marine Le Pen. Le Conseil constitutionnel pourrait considérer que la frapper d’inéligibilité sans qu’elle puisse faire appel de cette décision n’est pas conforme à notre loi fondamentale, ce qui revient à censurer la disposition du Code pénal qui prévoit cette possibilité. Pour éviter une décision aussi nette, les Sages pourraient aussi choisir la voie des « réserves d’interprétation ». Autrement dit, ils pourraient détailler les limites d’utilisation de l’article litigieux, en le réservant, par exemple, à des cas où les risques de récidive ou de trouble à l’ordre public seraient manifestes. Le tribunal devant suivre le Conseil, Marine Le Pen, quoique condamnée en première instance, resterait éligible dès qu’elle aura fait appel, celui-ci étant suspensif de la peine.

Reste le problème de la date. Théoriquement, les Sages ont jusqu’au 3 avril (trois mois après l’enregistrement de la QPC concernée) pour rendre publiques les résultats de leurs délibérations du 18 mars sur le cas de l’élu mahorais. Selon que leur position sera connue avant ou après le 31 mars, elle pèsera ou non sur le jugement des magistrats dans l’affaire Le Pen. Le choix sera purement tactique, car il sera interprété politiquement. La logique conduirait à ce que l’on connaisse la position des sages avant celle du siège, mais la prudence pourrait les inciter à temporiser. Richard Ferrand et les huit autres membres devront choisir le moindre mal…

Sylvie Pierre-Brossolette

Sylvie Pierre-Brossolette

Chroniqueuse