Nicolas Sarkozy, voltigeur des affaires

publié le 21/05/2023

Bettencourt, Bismuth, Bygmalion, et peut-être bientôt le financement libyen de sa campagne électorale. Depuis plus de dix ans qu’il a quitté l’Élysée, Nicolas Sarkozy est empêtré dans les affaires, convaincu que les juges qui le poursuivent veulent se venger. Mais devant une telle accumulation, il faudrait que le complot qu’il dénonce soit sacrément bien organisé

L'ancien président Nicolas SARKOZY - Photo Matthieu Mirville / DPPI via AFP

Nicolas Sarkozy, le retour… L’ancien Président de la République que l’on n’avait plus guère vu ni entendu depuis sa hasardeuse prise de position en faveur d’Emmanuel Macron à la présidentielle a déboulé dans le débat public à la faveur de… ses affaires.

Le sujet lui colle à la peau. À peine quitte-t-il l’Élysée qu’en 2013, l’affaire Bettencourt, dans laquelle il a été mis en examen pour abus de faiblesse, fait la Une de l’actualité. Plus de peur que de mal, il se félicite d’avoir rapidement obtenu un non-lieu. Et il a beau jeu d’assurer – déjà – que les juges décidément lui en veulent à lui, le combattant qui ne se laissera pas intimider.
Il ne sait pas encore qu’avec cette affaire Bettencourt, le ver est dans le fruit.

Dix années plus tard, en ce mois de mai 2023, elle le conduit, après son jugement en appel dans le procès des écoutes, à une condamnation pour « pacte de corruption » à trois années de prison dont un an ferme – sous forme d’un bracelet électronique qu’il porterait à résidence. Rien que ça ! Une peine inédite pour un président sous la Cinquième République.

Les écoutes ? Lors de l’enquête sur l’affaire Bettencourt, dix ans plus tôt, ses agendas sont saisis. Inquiet, Nicolas Sarkozy cherche à tout prix à les récupérer et forme à cet effet un pourvoi en cassation. Afin de pouvoir échanger avec lui sans oreille indiscrète, son avocat Thierry Herzog ouvre une ligne téléphonique prépayée au nom usurpé de Paul Bismuth, son copain de collège puis de lycée.


Entre dans la danse un troisième larron, Gilbert Azibert, ancien haut magistrat à la Cour de cassation. Il est chargé par les deux hommes d’aller recueillir de précieuses informations en échange d’un coup de main pour obtenir un poste prestigieux de conseiller d’État à Monaco. Ironie de l’histoire, c’est bien la même Cour de cassation que Nicolas Sarkozy vient de saisir aujourd’hui, sa dernière carte pour éviter la prison dans l’affaire des écoutes.

Cela ressemblerait à s’y méprendre au dernier épisode d’une bande dessinée des Pieds nickelés d’autant que le coup de main n’a finalement pas eu lieu, si dans cette histoire Filochard, Croquignol et Ribouldingue n’avaient été si lourdement sanctionnés.

Acharnement des magistrats ? Leur syndicat avait affiché la tête de Sarkozy sur le « mur des cons » après que lui-même les ait traités dès le début de son quinquennat de « petits pois, même couleur, même gabarit, même absence de saveur ». Ambiance…
La vérité, c’est que le parcours politique de Nicolas Sarkozy depuis son accession à la présidence de la République est émaillé d’épisodes judiciaires.

Le prochain se tiendra le 8 novembre prochain avec l’ouverture du procès en appel de Bygmalion où l’ancien président avait là aussi écopé en première instance d’une année de prison. Afin de financer sa campagne présidentielle de 2012, l’UMP, son parti aurait mis en place un complexe système de fausses factures qui aurait permis de masquer pour quelques 17 millions d’euros de dépassements de frais de campagne.

Et pourtant. Le jugement de la Cour d’appel dans cette affaire n’est peut-être pas le pire cauchemar qui hante les nuits de Nicolas Sarkozy.


D’ici là, il devrait savoir s’il sera ou non renvoyé devant le tribunal correctionnel dans le cadre du financement de sa campagne présidentielle de 2007 par des fonds libyens, ainsi que le réclame après dix années d’investigation le réquisitoire du Parquet national financier (PNF) qu’a pu consulter l’AFP : « s’il semble manifeste que l’intégralité des fonds libyens initialement destinés à la campagne n’a pas été mobilisée dans ce but », « des circuits opaques de circulation de fonds libyens ont abouti, in fine, à des décaisses d’espèces dans une temporalité et une chronologie compatible avec un usage occulte ».

Aussi, le PNF souhaite que Nicolas Sarkozy avec douze autres personnes, soit jugé – selon Le Monde,- pour «recel de détournement de fonds publics », « corruption passive », « association de malfaiteurs » et « financement illégal de campagne électorale ».
À deux reprises donc, en 2007, avec l’argent libyen et en 2012, avec celui de Bygmalion, Nicolas Sarkozy serait soupçonné d’avoir bénéficié de largesses pour le financement de ses campagnes électorales, sur le papier réglementé par l’État.

« Certains magistrats sont dans un combat politique. Ils l’ont dit publiquement. Ce n’est pas un fantasme », contre-attaque-t-il dans le Figaro réclamant « le droit à une justice impartiale qui se prononcerait sur ce que j’ai fait ou pas fait, et non pas sur ce que je suis ».

Devant cette accumulation d’affaires, il devient de plus en plus difficile de croire que les juges ne seraient qu’une armée de vengeurs lancés à ses trousses dans un vaste complot destiné à avoir sa peau.

Il y a du Bernard Tapie en Nicolas Sarkozy. Les deux amis avaient en commun de vouloir faire croire que le monde entier leur en veut et que non jamais, au grand jamais, ils n’ont mis les doigts dans le pot de confiture.

Nicolas Sarkozy en est convaincu, ces accusations lui auraient fait perdre la présidentielle de 2012 et la primaire de 2016. Le raccourci est rapide. Mais symbolique de l’égarement de celui qui a longtemps cru que tout lui était permis. Et qui bataille à présent pour sauver son honneur.