Niger : qui est le colonialiste ?
Certains Africains dénoncent la France, puissance coloniale. Ils oublient de mentionner les ambitions de la Russie de Poutine
Après la Françafrique, la Russafrique ? Pas sûr que ce soit un grand progrès… Un général putschiste prend le pouvoir à Niamey, l’ambassade de France est prise pour cible par des manifestants aux cris de « À bas la France, vive la Russie ! », les États africains de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) condamnent le coup d’État, ainsi que l’ONU et les alliés de la France.
Le putschiste – argument commode – dénonce l’impérialisme français. C’est le quatrième pays africain de la région qui est victime d’un pronunciamento militaire depuis deux ans. De nombreux observateurs y voient la main de la Russie de Vladimir Poutine.
Peut-être faut-il sortir de ces schémas confortables pour une certaine gauche. Il arrive un moment où la grille de lecture anticoloniale touche à ses limites. La colonisation de l’Afrique fut un grand crime, chacun en convient ; le système de la « Françafrique », qui l’a prolongé par une sorte de protectorat officieux, ne valait guère mieux. Mais en cinquante ans d’histoire, les choses ont tout de même évolué.
Le thème de la culpabilité coloniale, qu’on ressasse à loisir, peut-il faire oublier, après tant d’années de relative indépendance, la responsabilité des classes dirigeantes africaines, incapables de se débarrasser de la corruption, impuissantes à développer leur pays ? Une vie politique chaotique, des coups d’État militaires à répétition, des États faibles et inefficaces : ces maux bien connus ne peuvent pas être imputés au seul héritage colonial.
Aussi quand la France lance des opérations militaires pour arrêter l’offensive djihadiste, on n’est pas forcé d’y voir une opération coloniale ; plutôt la volonté de contenir l’expansion terroriste qui menace, au premier chef, les Africains eux-mêmes. Aussi, quand les Européens tentent de favoriser les régimes un tant soit peu démocratiques en Afrique plutôt que des dictatures militaires qui n’apportent à leur pays que répression et malheur, on peut y voir autre chose que l’insupportable impérialisme occidental.
Aussi, quand les démocraties du Nord s’inquiètent de l’influence russe sur l’Afrique et cherchent à la contenir, on peut y déceler la volonté de résister à la montée des nouveaux empires identitaires et autoritaires, plutôt que la sempiternelle arrière-pensée dominatrice des pays du Nord.
Les enjeux de l’avenir ne se ramènent pas tous à l’ancienne prédominance blanche sur l’Afrique. Plutôt à la lutte entre démocratie et tyrannie qui occupe désormais la scène internationale.