Non, Bedos n’est pas Dreyfus
Sur plusieurs plateaux de télévision, l’avocate du metteur scène fait le procès de la justice, qui aurait condamné Nicolas Bedos de manière « inique ». Problème : son plaidoyer présente quelques failles embarrassantes.
Nicolas Bedos, condamné à un an de prison dont six mois fermes (avec bracelet électronique), aurait donc été sanctionné à tort. À entendre son avocate, ses amis – et quelques chroniqueurs de CNews – il serait victime d’un « procès pour l’exemple », assorti d’une condamnation exorbitante. Une sorte de Dreyfus de l’ère #MeToo, en quelque sorte. L’ennui, c’est que les arguments développés avec autant d’aplomb que de profusion par son avocate Julia Minkowski, souffrent de quelques failles gênantes. Reprenons.
Sur les faits eux-mêmes, d’abord. Pas de preuves, dit l’avocate. Certes la scène en cause n’a pas été filmée – un attouchement à l’entrejambe, selon la plaignante, effectué au cours d’une soirée en boîte de nuit. Mais ce que Julia Minkowski oublie de dire devant les caméras de télé (mais qui a été détaillé à l’audience), c’est que la plaignante a protesté hautement et immédiatement et que Bedos a été expulsé de la boîte de nuit aussitôt. Laquelle lui avait auparavant signifié qu’il ne devait plus venir, à la suite de comportements inappropriés. Quelques jours après l’incident, Bedos a d’ailleurs présenté ses excuses à la plaignante, ce qui tend à montrer que l’agression n’était pas imaginaire. Toutes choses qui ont manifestement convaincu les juges.
L’argumentaire de la défense, ensuite. Il pâtit d’un vice logique. La culpabilité de mon client n’est pas établie, dit l’avocate, et la sanction est disproportionnée. Les deux arguments sont contradictoires. Si la sanction est « disproportionnée », cela signifie, en bon français, qu’une condamnation moins dure aurait été justifiée. Mais si le prévenu n’a rien fait, il ne devrait pas y avoir de sanction du tout. Alors, innocent ? Ou condamné trop lourdement ? Il faut choisir. À trop vouloir prouver…
La plupart des commentaires favorables au prévenu choisissent la deuxième option : la justice a voulu faire un exemple sur une personnalité médiatique, dit-on, pour les mêmes faits, un accusé inconnu n’aurait jamais écopé d’une telle peine. Est-ce si sûr ? Une rapide recherche permet d’en douter. En 2022, disent les statistiques du ministère de la Justice, 5 304 personnes ont été condamnées pour agression sexuelle. La moitié d’entre elles se sont vu infliger des peines de prison ferme.
Peut-être, dira-t-on, mais c’était pour des faits plus graves, pas pour un attouchement furtif. Là encore, en dix minutes sur Internet, on comprend que l’affirmation est pour le moins fragile. On lit ainsi dans Ouest-France que le 6 janvier 2024, à Frenay-sur-Sarthe (Sarthe), un homme fortement alcoolisé a mis sa main dans l’entre-jambe d’une jeune femme, par-dessus la culotte, à la sortie d’une boîte de nuit. Devant le tribunal, il a déclaré avoir oublié le scène et présenté des excuses. Un Bedos avant la lettre… Condamnation : six mois de prison ferme.
On lit encore dans le Parisien le cas d’un autre homme jugé à Paris le 5 janvier 2024 en comparution immédiate pour une « main aux fesses » dans le métro. Il a été condamné à dix mois de prison ferme et incarcéré directement. Nicolas Bedos, lui, purgera sa peine à domicile…
Voilà qui relativise, on en conviendra, la rhétorique venteuse qui s’enfle autour du cas Bedos. « Condamnation extravagante », « on piétine les droits de l’accusé », « on le condamne pour ce qu’il est et non pour ce qu’il a fait », « on substitue une injustice à une autre », etc. Effets de manche, pour l’essentiel. La vérité, c’est que depuis de longues années, la justice condamne les agressions sexuelles selon le code pénal, qui prévoit des peines allant jusqu’à sept ans d’emprisonnement, selon la gravité des faits. Seuls en seront surpris ceux qui vivent dans une époque révolue et pensent que les agressions sexuelles sont des peccadilles. Bedos n’est qu’un exemple parmi des centaines d’autres. La banalité du mâle, en quelque sorte…