« Nous payons au prix fort la démolition de la police de proximité »

par LeJournal |  publié le 02/07/2023

L’ancien préfet, ex-directeur général de la police nationale, de 1999 à 2002, a géré la mise en place de la police de proximité. Il explique les raisons d’un succès jamais retrouvé

Patrice Bergougnoux

Q/ Où en était la police de proximité ( P.P) avant d’être supprimée ?

R/ Patrice Bergougnou :
« La police de proximité était généralisée à l’ensemble des commissariats de France et des 426 circonscriptions de police du territoire. Le résultat d’un an et demi de travail en trois phases successives. La dernière venait à peine de se terminer. La réaction était très positive chez les élus et la population. Les gens pouvaient voir les policiers, les mêmes, chaque jour, sur un même territoire, et leur parler.

D’où une facilité de relation avec les habitants, les commerçants et tous les acteurs économiques et la création d’un lien étroit… tant recherché aujourd’hui.

Ce n’était pas seulement du “bleu dans la rue”, mais des hommes à qui parler, tous les jours, matin et soir, et qui étaient là pour les protéger.
Aujourd’hui, c’est tout le contraire, les flics passent à toute allure, n’ayant comme consigne que intervention-projection-répression.
Nous parlons de 25 000 policiers de proximité sur un effectif total de 75 000. Attention à ne pas confondre la police municipale, sans compétence judiciaire, qui dépend du maire et la police de proximité, entité nationale, 100 % policiers. On leur avait confié la part la plus importante de la sécurité, appuyée au besoin, par 30 unités mobiles de CRS et de gendarmes mobiles, en renfort.

Q/ Résultats ?
R/ Spectaculaires. Oui, des policiers à Toulouse jouaient aux football avec les jeunes des quartiers, sur le temps de service, mais pas seulement !
On évitait surtout les rodéos, on contenait le problème des bandes, on avait nettement réduit le trafic de drogue dans les cités, la violence et les rixes. Aujourd’hui, ne reste qu’un face-à-face, l’affrontement entre la police et les jeunes.

Q/ Qui et pourquoi a-t-on mis fin à cette réforme ?
R/ Pourquoi ? Parce que dans la tête de Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, il s’agissait de montrer que lui, efficace, allait prendre les choses en main ! Alors, sans évaluation fine, mais avec brutalité, il a tout arrêté, d’un coup ! Nous avions pourtant des directives écrites et des outils efficaces. Aujourd’hui, nous n’avons plus de vision, pas de cap, de ligne face au fléau galopant de la violence. Les services publics comme les services de police désertent les quartiers populaires… une erreur majeure que nous payons au prix fort.

Q/ Pourquoi est-ce que tous les présidents, de droite ou de gauche, nous ont-ils promis – en vain – le retour de cette police de proximité ?
R/ Avec le temps, tous se sont aperçus que c’était la meilleure organisation possible de la police nationale. Sauf qu’il faut du sérieux, de la compétence et la volonté de mettre en œuvre des réformes d’ampleur. Et ils ne l’ont pas.


Q/ Que seraient les émeutes d’aujourd’hui avec une police de proximité ?
R/ Les émeutes ont plusieurs causes. Une partie de l’explication de ces émeutes tient dans la suppression de la police de proximité, par la diminution de la capacité à pacifier, à surveiller, à connaitre le climat, l’ambiance dans les territoires. D’autant que la droite a trouvé aussi le moyen de supprimer les Renseignements Généraux…
Avec une police de proximité en place, nous n’aurions – au minimum ! – pas été surpris comme le gouvernement l’est aujourd’hui ! »

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