Nouveau Front Populaire : enfin la fin ?

par Laurent Joffrin |  publié le 27/11/2024

Le comportement impérieux et méprisant de La France insoumise à l’égard de ses partenaires sonne le glas du NFP. Le PS doit maintenant décider d’être ou de ne pas être.

Mathilde Panot, Manuel Bompard, Marine Tondelier, Olivier Faure, Fabien Roussel lors de la présentation du programme du NFP. Les partis de gauche s'étaient unis pour former une coalition électorale en vue des législatives. Paris, 14 juin 2024. (Photo Serge Tenani/Hans Lucas via AFP)

« Le Nouveau Front Populaire, écrit Le Monde, s’approche du point de rupture ». Il est temps. Comment le Parti socialiste, sauf à passer définitivement sous la table, pourrait-il continuer à pratiquer l’union sous sa forme actuelle ? C’est-à-dire une union dominée par les outrances et les manoeuvres pernicieuses de La France insoumise, qui ne voit dans le NFP qu’un simple instrument de sa stratégie de destruction de la gauche réformiste.

Une position déséquilibrée sur le Proche-Orient, une étrange mansuétude envers l’antisémitisme, une posture quasi prorusse sur le conflit ukrainien, un refus de tout élargissement de la gauche à l’Assemblée, une volonté de poursuivre la tactique du « tout ou rien » programmatique inaugurée par Jean-Luc Mélenchon dès l’annonce des résultats des élections législative, le projet obsessionnel de provoquer à court terme une élection présidentielle au strict service de l’ambition de son leader… Ces prises de position, rejetées ouvertement ou silencieusement par les socialistes, mènent inéluctablement à la rupture.

À cela s’ajoutent des provocations incessantes, comme l’abrogation de la loi Cazeneuve sur l’apologie du terrorisme, ou la remise en cause de la loi Touraine sur les retraites, toutes destinées à embarrasser le PS. Et bientôt la présentation de listes municipales hostiles aux sortants socialistes dans de nombreuses villes, visant à affaiblir l’assise locale du PS. Écoutant la rhétorique mélenchonienne, les dirigeants ne peuvent y entendre que l’annonce de leur prochaine disparition, par l’agression subie, ou par la soumission.

Il est temps qu’il retrouvent leur liberté de parole et leur autonomie stratégique, qui ne sauraient être dictées par LFI. Boris Vallaud, excellence du parti, a esquissé un pas dans cette direction. Réfléchissant à haute voix sur un éventuel « après-Barnier », il a proposé d’explorer les voies d’une « non-censure », qui permettrait à une coalition de centre-gauche de gouverner le pays sans être renversée et de faire passer certaines réformes auxquelles tiennent les socialistes. Aussitôt Mélenchon l’a cloué au pilori, jetant sur lui l’accusation pavlovienne de trahison, qui est le mode habituel de discussion de la gauche radicale quand elle s’adresse à ses partenaires. Combien de temps ce chantage durera-t-il ?

On dira qu’une franche déclaration d’indépendance mettrait fin à toute union à gauche. Rien de certain dans cette prophétie. Un PS qui parlerait enfin à haute voix, qui défendrait ses idées au lieu de se contenter de prudentes réserves face aux oukases de LFI, serait-il traître à la gauche ? C’est le contraire qui est vrai : il y a deux gauches, on le sait : pourquoi ne pas le reconnaître enfin ? Les Insoumis se gênent-ils pour avancer leurs propositions, définit leur stratégie, mettre oeuvre leur tactique ?

Une fois l’autonomie socialiste affirmée, le programme du PS élaboré, sa place sur la scène politique et médiatique restaurée, rien n’empêcherait la réouverture de discussions. La France insoumise devrait ensuite décider si elle veut donner une chance à la gauche, ou bien si elle souhaite la diviser définitivement et abandonner toute perspective de victoire, pour la coalition future et pour elle-même.

Laurent Joffrin