Nouvelle Calédonie, au début était le bagne…

par Pierre Feydel |  publié le 17/05/2024

Une colonie peuplée de condamnés politiques et de droit commun. Un peuple kanak spolié, souvent révolté

Le chef Ataï a été décapité en 1878 par un supplétif kanak engagé aux côtés de l'armée française. © DR

En 1774, James Cook, au cours de son second voyage dans le Pacifique Sud, à bord du « HMS Resolution », découvre un archipel . L’explorateur britannique le baptise « New Caledonia », autrement dit « Nouvelle écosse, » Calédonie étant l’ancien nom du pays des Scots. Le père du navigateur est d’origine écossaise. Il aborde, prend contact avec un chef Kanak, puis repart. 14 ans plus tard, le comte de la Pérouse, expédié par Louis XVI dans les mêmes parages, longe la côte avec ses deux vaisseaux « L’Astrolabe » et « La Boussole » avant de disparaître lors d’un naufrage aux iles Salomon. En 1791, le contre-amiral Bruny d’Entrecasteaux, parti à la recherche de La Pérouse passe lui aussi au large.

Il faut attendre 1820, pour que les Européens surtout des Anglo-Saxons s’intéressent à l’île. La chasse à la baleine se développe. L’exploitation du bois de Santal est lucrative. Certains s’installent, fondent des familles avec des Mélanésiennes. Les missionnaires suivent. D’abord protestants ensuite catholiques. Mais les Kanaks au contact des Européens subissent un choc microbien qui, avec l’alcoolisme, va faire des ravages. C’est Napoléon III qui va lancer la colonisation.

En1853, l’ile est proclamée terre française. Une garnison s’y installe. Nouméa est fondée. En 1860, la Nouvelle-Calédonie devient une colonie à part entière et son premier gouverneur y installe un bagne. Les libérés y ont l’obligation de doubler leur peine en restant dans les îles. Un statut de « l’indigénat » voit le jour. Les terres sont partagées entre « tribus » ou « chefferies. »

Après 1871, bon nombre de communards y sont déportés ainsi que des rebelles algériens. Sans compter des femmes condamnées, envoyées dans la colonie pour épouser des bagnards. Les nouveaux colons s’approprient des terres, cultivent le café. Les Kanaks, déjà, se révoltent. Leur culture date du II ème siècle avant Jésus-Christ. Elle a succédé à celle des Lipidas dont les origines remontent à 1300 ans avant Jésus-Christ. Ils font partie de ces peuples austronésiens qui ont sillonné le Pacifique pour en peupler les îles. Sans doute les premiers grands navigateurs.

Le chef Ataï, roi de Komalé, mène l’insurrection en 1878. Il est tué au cours d’un combat avec une colonne composée de Kanaks loyalistes, de déportés politiques et de droit commun. Louise Michel, elle-même déportée, lui rendra hommage. Sa tête est envoyée à Paris, étudiée et exposée. Elle sera retrouvée dans les réserves du musée de l’Homme en 2011.

C’est sans doute l’exploitation du nickel à la fin du XIXème siècle qui marquera l’intérêt de la métropole pour cette colonie. Elle amènera une population nouvelle, des Japonais et des Tonkinois pour les mines, des Javanais pour le travail agricole et la domesticité. En 1917, une autre révolte se transforme en guérilla. Les chefs sont guillotinés. En fait, la colonisation française n’est jamais acceptée malgré des tentatives d’assimilation. Qui paraissent très limitées lorsque l’on sait qu’en 1931, à l’occasion de l’exposition coloniale de Paris, des Kanaks sont exposés en cases, puis en cages, comme dans un zoo humain… Les peuples ont une mémoire.

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire