Nouvelle-Calédonie. Pour une commission «Vérité, Justice, Réconciliation»

publié le 28/06/2024

Le territoire reprend feu à nouveau après l’incarcération de militants kanaks en métropole. La France, elle, est toujours malade de ses colonies. Par François Roux (*)

« La colonisation est un crime contre l’humanité », disait Emmanuel Macron en Algérie le 15 février 2017. Et plus récemment à M. Netanyahu « la colonisation est contraire au Droit International ».

« Ce sont des mafieux, des voyous », a dit le Haut-Commissaire de la République à Nouméa au sujet de la CCAT (Cellule de Coordination des actions sur le terrain dépendant du FLNKS).

« Ce sont des membres d’une Association de malfaiteurs relevant du « crime organisé », dit aujourd’hui le Procureur de la république de Nouméa pour justifier les arrestations des militants de la CCAT aujourd’hui « déportés » dans plusieurs prisons de métropole, loin de leurs familles, de leurs enfants pour deux « mamans ».

(Les mêmes responsables sont beaucoup plus discrets sur les crimes commis par des milices « loyalistes » contre des kanaks, dont deux membres de la famille de C. Karembeu).

Nous avions été nombreux à alerter : « n’imposez pas par la force le dégel du corps électoral « gelé » par l’Accord de Nouméa. C’est un sujet extrêmement sensible pour les indépendantistes ».

Une fois de plus le Gouvernement a choisi de passer en force.

Comme il l’avait fait en nommant au Gouvernement Mme Sonia Backès, cheffe des loyalistes, immédiatement après le 3° Référendum boycotté par les indépendantistes. Comme il a laissé faire en acceptant que Nicolas Metzdorf, député anti-indépendantiste radical, soit le rapporteur à l’Assemblée nationale du projet de dégel du corps électoral. Une provocation.

Qui pouvait sérieusement douter que « ce ne pouvait, chez un peuple fier et non dépourvu de traditions guerrières, que provoquer des révoltes, lesquelles ont suscité des répressions violentes, aggravant les ressentiments et les incompréhensions » (Préambule de l’Accord de Nouméa 5 mai 1998).

L’histoire bégaye.

Alors, rappelons une fois encore que la France est un des 5 membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies, ce qui lui donne sans aucun doute des droits, mais aussi des devoirs, notamment d’exemplarité.

Or dans sa Résolution 1514 du 14 décembre 1960 sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé :

« Consciente des conflits croissants qu’entraine le fait de refuser la liberté à ces peuples ou lui faire obstacle, ce qui constitue une grave menace à la Paix mondiale,

( …) Persuadée que le processus de libération est irrésistible et irréversible et que, pour éviter de graves crises il faut mettre fin au colonialisme et à toutes les pratiques de ségrégation et de discrimination dont il s’accompagne,

(…) Il sera mis fin à toute action armée et à toute mesure de répression de quelque sorte qu’elle soit, dirigée contre les peuples dépendants, pour permettre à ces peuples d’exercer pacifiquement et librement leur droit à l’indépendance complète, et l’intégrité de leur territoire national sera respectée »

Redisons-le clairement : la situation de la Nouvelle-Calédonie, inscrite sur la liste des territoires à décoloniser, relève du Droit International des peuples à disposer d’eux-mêmes et certainement pas du Droit franco-français de « la Puissance Administrante ».

C’est à ce titre que les représentants du FLNKS sont régulièrement auditionnés par le Comité de décolonisation des Nations Unies, et encore le 10 juin dernier à New York où j’ai eu l’honneur d’intervenir à leur côté.

Enfin dans sa Résolution complémentaire 1541 l’Assemblée générale des Nations Unies a précisé que parmi les formes d’indépendance, l’ancienne colonie peut décider librement de s’associer à un État indépendant…

La France par exemple ?

Qu’attendons-nous pour mettre en œuvre une Commission internationale Vérité, Justice, Réconciliation ?? Des experts qui ont une parfaite connaissance de ces processus, comme l’Institut Louis Joinet,( ifjd.org) y sont prêts.

François Roux est un avocat français, inscrit au Barreau de Montpellier, connu pour défendre des personnalités engagées. Ancien chef du Bureau de la Défense au Tribunal Spécial pour le Liban à La Haye (2009-2018).Fin connaisseur de la Nouvelle-Calédonie, il a décidé de sortir de sa retraite et de reprendre la robe pour défendre ses militants emprisonnés.