Nucléaire : le fantasme de la guerre des étoiles
Des ogives russes dans l’espace ! La nouvelle fait trembler l’Amérique. Sauf qu’à y regarder de plus près…
La Russie dispose de 6255 ogives nucléaires, les États-Unis « que » 5550. Les ogives nucléaires déployées, prêtes à être tirées, sont au nombre de 1625 pour la Russie, et de 1800 pour les États-Unis. Une bombe H développe une puissance environ 1000 fois supérieure à celle de la bombe larguée sur Hiroshima, assez pour détruire une ville de plusieurs millions d’habitants. Tout cela, ça existe, on sait que ça marche, la cible de chacune de ces ogives est sans doute désignée, ne manque que l’ordre de lancement !
Mais ce qui a occupé les sites d’information, récemment, est une annonce à la fois imprécise et alarmiste d’un certain Michael Turner, membre du Parti Républicain, et président de la commission du renseignement à la Chambre des représentants, qui « demande au président Biden de déclassifier toutes les informations relatives à cette menace », qu’au demeurant il ne nomme pas.
ABS News relaie l’information en précisant que la Russie compte placer « une arme nucléaire dans l’espace », non pas pour la lâcher sur Terre, mais plutôt « pour l’utiliser contre d’autres satellites ». Politico rajoute qu’il s’agit d’une « arme contre laquelle les Américains et les autres pays ne pourraient pas se défendre », et CNN que « le système reste en développement et n’est pas encore en orbite ». Quant à la Russie, elle ne confirme pas l’information. Que penser de tout cela ?
En un mot, c’est bidon, tout simplement. Rappelons quelques éléments : d’une part, le pouvoir destructeur d’une arme nucléaire tient à ce que l’énergie de l’explosion porte l’atmosphère alentour à haute température, phénomène qui s’accompagne d’un effet de souffle très destructeur. Quelques milliers de degrés pour une bombe atomique comme celle d’Hiroshima, des centaines de milliers de degrés avec une bombe à hydrogène : les gens ont été brûlés, vaporisés, ils ne sont pas morts de radioactivité ! Mais dans l’espace, à quelques centaines de kilomètres d’altitude, il n’y a plus d’atmosphère, donc rien à réchauffer, pas d’effet de chaleur, et pas d’effet de souffle. Seul demeure le choc électromagnétique associé aux particules électriquement chargées qui accompagnent les réactions nucléaires (fission ou fusion).
Ce choc est effectivement capable de perturber gravement des systèmes électroniques de satellites présents dans le voisinage, mais comment faire le tri entre les satellites « ennemis » et les satellites « amis » ? Les commentaires des spécialistes militaires consultés sur les diverses chaînes de télévision disent tous qu’il faut prendre l’information au sérieux, certes, mais… pas au premier degré ! Façon élégante de dire qu’ils n’y croient pas.
Reste qu’aujourd’hui, une nouvelle information vient remettre les choses importantes au premier plan : les Russes ont lancé un missile balistique d’une portée (maximale) de 10 000 km, susceptible de porter des charges nucléaires. Voilà du sérieux.